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développemens inattendus, et, fait presque incroyable, on a vu des tribus aider à la construction de quelques routes destinées à la circulation des voitures dont l’usage commence à se répandre dans le pays des noirs. Ce sont des faits attestés par les témoignages les plus respectables. D’où vient donc que les Cafres ont encore repris les armes l’année dernière ? On en a donné une raison qui semble être la véritable, car cette fois, comme les autres, on en est encore réduit à des conjectures sur les causes de cette explosion. S’il fonctionne bien au point de vue des espérances de la civilisation, le nouveau système, au point de vue des chefs indigènes, a l’inconvénient capital de réduire à rien leur autorité, de la supprimer presque. Pour essayer de la ressaisir, ils ont formé une conspiration qui a éclaté lorsque l’apparition de redoutables phénomènes naturels, — une sécheresse extraordinaire et une invasion de sauterelles qui ont dévoré les récoltes sur pied, — leur a fourni les moyens d’agir sur l’imagination de leurs sauvages sujets. Ils y ont été aidés par un certain Umlanjeni, espèce de Bou-Maza ou de Bou-Bagherla, qui, se disant prophète ou sorcier et prétendant connaître les secrets des puissances surnaturelles, s’est mis à prêcher la guerre sainte, annonçant que l’apparition de ces fléaux présageait l’expulsion de la race blanche. Ainsi que tous ses prédécesseurs, sir H. Smith fut surpris par cette levée de boucliers au moment où il s’y attendait le moins, car il n’avait pas alors répandus dans tous les forts de la Cafrerie, y compris les quatre cents soldats de la police cafre qui désertèrent dès le premier jour, plus de treize cents hommes. Avec l’énergie et l’activité qui le caractérisent, il se jeta aussitôt sur la ligne du Buffalo-River, y concentrant toutes les troupes qui se trouvaient alors dans la colonie, appelant la population aux armes, demandant des renforts aux établissemens anglais les plus prochains, s’adressant surtout à la métropole pour en obtenir des secours. Comme militaire, sir Harry Smith pense avec raison qu’il faut à tout prix se maintenir sur la basé du Buffalo-River, et qu’il vaut toujours mieux faire la guerre en pays ennemi que sur son propre territoire ; mais la faiblesse des moyens dont il dispose ne lui a pas permis de défendre toujours efficacement cette ligne, longue de plus de quarante lieues. Des troupes de maraudeurs ont glissé à travers les espaces qui séparent ses forts, sont allés porter le pillage et l’incendie jusque dans l’intérieur de la colonie, et ont paralysé ses forces d’autant. En voyant l’ennemi à ses portes, la population coloniale n’a pas voulu quitter ses foyers pour aller prêter main-forte au gouverneur dans le pays des Cafres ; il n’y a que les Fingoes, fidèles à leur haine héréditaire contre leurs anciens maîtres, qui aient véritablement répondu à son appel. Aussi le gouverneur anglais a-t-il dû de se maintenir dans ses positions et les approvisionner au moyen de petites colonnes mobiles qui vont de fort