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base militaire, sur une longue ligne de postes répandus dans l’intérieur, depuis Constantine et Sétif jusqu’à Orléansville et Tlemcen, et qui montrent aux Arabes une dizaine de colonnes mobiles toujours prêtes à rayonner dans tous les sens et à écraser partout, à leur naissance, les tentatives d’insurrection. C’est le même système qui a été suivi dans le territoire qu’on a annexé pour la seconde fois, en 1848, à la colonie du Cap, sous le nom de Cafrerie anglaise. Ce territoire comprend maintenant dans ses limites l’ancienne province d’Adélaïde. Comme base d’opérations, sir Harry Smith reprit la ligne du Buffalo-River, qui coupe le pays en deux parties presque égales, et il y organisa un certain nombre de postes militaires sur les mêmes lieux qu’avait désignés son prédécesseur, sir B. d’Urban. Ces postes, occupés par des garnisons européennes, devinrent la résidence des marchands auxquels il fut permis de fréquenter le pays des noirs. En même temps il établit au milieu des tribus des commissaires civils, véritables officiers de nos bureaux arabes, qui prirent en main l’administration directe, appuyés qu’ils étaient par un corps régulier dit de police cafre, et qui fait le pendant de nos goums algériens. Toutefois, il en coûta cher pour monter cette nouvelle machine, et, en 1850, nous avons vu le chancelier de l’échiquier demander au parlement un crédit de 2 millions de livres sterling (50 millions de francs), destiné à liquider les dépenses de la dernière guerre contre les Cafres. Ajoutons que le ministre était obligé de déclarer qu’il lui était impossible de fournir des pièces régulières à l’appui de cette demande de crédit, et que la chambre des communes dut voter de confiance. Notre comptabilité algérienne n’a peut-être pas toujours offert un modèle de régularité, mais à coup sûr elle ne s’est jamais trouvée prise en si grand défaut. On vota néanmoins, et, si l’on ajoute à ces 2 millions de livres sterling les sommes qui furent supportées par les budgets de 1846, 1847, 1848 et 1849, il est à croire que cette guerre doit avoir coûté au trésor métropolitain bien près d’une centaine de millions.

Quoi qu’il en soit, et quelque induction que l’on veuille tirer de la prise d’armes du mois de décembre 1850, il faut reconnaître, pour être juste, que la nouvelle organisation de la Cafrerie a produit des résultats avantageux, et dont l’humanité n’a qu’à se louer. Les trois ans de paix dont les Cafres ont joui sous la direction de leurs administrateurs européens ont amené dans le pays des changemens que l’on n’aurait pas osé espérer. Grace à la vigilante action de la police, les vols sont devenus beaucoup plus rares ; les querelles entre les tribus ont été prévenues ou rapidement étouffées ; le commerce a fait de notables progrès au milieu des sauvages ; ils ont pris l’habitude d’une foule de produits jadis ignorés d’eux ; le travail, dont les fruits permettent d’acquérir ces produits, a été stimulé ; l’agriculture a pris des