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femme par jalousie. Lorsque ce prétendant vint demander au marchand bonnetier la main de sa fille, don Giuseppe prit des informations, et s’empressa d’avertir Pepina des bruits qui couraient sur cet homme : — Pensez-vous donc, répondit la jeune fille avec majesté, que je veuille prendre un mari avec le dessein de le tromper ? Si cet honorable seigneur a tué sa femme, c’est qu’elle avait mérité la mort. Quand on est sûre, comme moi, de ses bonnes intentions, de sa vertu et de sa fidélité, on n’a pas à redouter un pareil accident. Voilà l’époux qu’il faut à une fille de mon caractère, et, puisque je le trouve enfin, je l’accepte sans crainte.

En effet, le mariage fut célébré au bout de trois semaines, et Pepipa, pleine d’assurance et de fierté, partit gaiement avec son mari pour la province de Trapani. Elle habite aujourd’hui la campagne et ne voit personne, en sorte que, si elle ne rencontre dans son village ni un paysan bien bâti, ni un joli gardeur de moutons, ni un domestique frais de visage, qui lui fournisse l’occasion de se récrier sur l’étrangeté d’un si grand coup du sort et d’une aventure incroyable faite exprès pour elle, on doit espérer qu’elle échappera au danger de sa situation et restera sage.

Une fois la belle Pepina retirée dans ses terres, tous les amoureux se rejetèrent sur sa compagne. Gaëtano témoigna quelque envie de la prendre pour femme, et au premier mot qu’il en toucha, dame Rosalie, ne voulant pas le laisser languir, s’empressa de combler ses voeux. Faustina partit à son tour pour Marsala, où demeure la famille de son mari, et, sans être sorcier, on peut affirmer qu’à cette heure elle y doit mener de front trois ou quatre amourettes plus ou moins sérieuses. Giulio alla prendre ses derniers grades à l’université de Catane, et don Giuseppe, toujours galant, continue à rendre ses devoirs à la grosse dame de ses pensées et à vendre des bonnets dans son magasin de la rue Macqueda.


PAUL DE MUSSET.