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amans allèrent chercher un abri sous le vestibule, dans une petite grotte en rocaille garnie de mousse où coulait la fontaine ; c’est là que les habitans de chaque maison se réfugient, lorsque l’Afrique souffle sur la Sicile son haleine embrasée. Le couple amoureux y trouva l’ombre et la fraîcheur. À la troisième conférence, Gaëtano sollicita timidement la faveur de pénétrer dans la chambrette de son amie.

— Un moment, cher seigneur ! répondit la jeune fille ; ne vous imaginez point, parce que je vous aime, que ma prudence soit endormie. Commencez par jurer de m’obéir, sans murmure et résistance aucune, et nous verrons après, selon le serment que vous allez prononcer, si je puis vous accorder ce que vous souhaitez.

— Que je sois excommunié, s’écria Gaëtano, si je ne t’obéis comme le chien au berger, comme le mouton au chien ! Je jure, ô ma Pepina, par le mont Pellegrino et la caverne de Sainte-Rosalie, par le dôme, par le couvent des Stimmate, par le quartier de cavalerie et la Porte-Neuve…

— Assez ! interrompit Pepina ; la caverne de Sainte-Rosalie suffisait. Dans le reste, il y a des monumens sarrasins qui pourraient diminuer la valeur de votre serment ; mais votre bonne foi n’en est que plus évidente. Otez vos souliers et suivez-moi sans faire de bruit.

La chambre de Pepina étant peu distante de celle du bonhomme Giuseppe, il fallut parler bien bas. La jeune fille mettait son doigt sur sa bouche pour commander le silence. Gaëtano examina tous les meubles et les ornemens avec la curiosité d’un amoureux, et puis, comme la conversation était impossible, les deux amans s’embrassèrent pour s’occuper, tant et si bien qu’après le départ du jeune homme Pepina reconnut avec effroi que sa prudence avait profité du riposo pour dormir d’un sommeil de plomb.

— Bonté divine ! dit-elle en soupirant, je ne suis pas aussi sage que je le croyais. Maudite faiblesse ! maudit amour ! J’ai manqué à mes résolutions, c’est-à-dire à une seule de mes résolutions, la première, la plus importante ; mais je n’en serai que plus inébranlable dans les autres. Mon Gaëtano est un galant homme ; il m’épousera. Je suis une ingrate de maudire ma faiblesse et son amour. Je n’aimerai jamais que lui ; je mourrai s’il m’abandonne, et je resterai encore bien au-dessus des autres femmes qui se consolent en changeant d’amant avec tant de facilité.

Au rendez-vous suivant, Gaëtano dissipa les craintes de sa maîtresse au sujet de sa fidélité par des sermens dans lesquels il ne fut question d’aucun monument profane ou sarrasin. La pauvre fille avait employé une nuit d’insomnie à préparer quelques petits reproches ; elle oublia tout cela en revoyant son ami, et s’étonna d’avoir pu douter d’un cœur si tendre. Quinze jours s’écoulèrent ainsi, pendant lesquels