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milles de tour ; Saypan n’en a que trente-deux, Rota trente et un, Tinian vingt-sept. Les autres îles, qui formaient au nord de ce premier groupe une confédération entièrement distincte, offraient à leurs habitans un territoire encore moins étendu. Montueuses et accidentées, les quatre îles du groupe méridional n’ont point de sommet dont la hauteur dépasse cinq cents mètres. Ces îles sont arrosées, pendant la saison des pluies, par de nombreux ruisseaux toujours près de se changer en torrens : elles ont à craindre pendant le reste de l’année de funestes sécheresses. Des tremblemens de terre les ont souvent ébranlées jusque dans leurs fondemens[1], et d’affreuses tempêtes dévastent chaque année leurs rivages. Aussi les îles Mariannes n’auraient-elles point tenté l’ambition de l’Espagne, si elles ne se fussent trouvées sur la route du galion des Philippines, qui, pendant plus d’un siècle, na manqua jamais, soit en partant de Manille, soit en revenant d’Acapulco, de relâcher sur un des points de cet archipel.

Ce n’est pas à l’Espagne que l’on peut reprocher de montrer trop d’âpreté dans l’exploitation de ses possessions coloniales. Son gouvernement a poussé, sur ce point, la modération jusqu’à l’indifférence. C’est surtout dans les îles Mariannes que l’on peut remarquer ces tendances apathiques. Aucun effort ne trahit le désir d’améliorer les finances ou de développer les ressources de la colonie. Jamais possession lointaine ne put se croire plus complètement oubliée de la métropole que cet archipel ; mais aussi jamais joug plus léger ne pesa sur un peuple. Les Indiens des Mariannes, les Indiens Chamorros, si l’on veut leur donner le nom qu’ils reçurent de leurs conquérans, ne sont soumis au paiement d’aucun impôt. Ils doivent à l’état quarante jours de travail pour l’entretien des routes. C’est à l’accomplissement de ces corvées personnelles que se bornent leurs obligations envers la couronne d’Espagne. L’administration d’une semblable colonie devait se faire remarquer par la simplicité de ses rouages. Le gouverneur, investi d’immenses prérogatives, y rend la justice comme Sancho dans, l’île de Barataria. Dans la plupart des circonstances, ce haut fonctionnaire prononce sans appel des sentences qui sont sur-le-champ exécutées si la gravité de la faute paraît exiger une répression plus sévère que le châtiment corporel infligé d’ordinaire aux délinquans, le concours des principales autorités de l’île de Guam devient nécessaire. L’intendant chargé de présider à l’emploi des fonds expédiés tous les deux ans par le trésor de Manille, le commandant des cent cinquante Indiens qui composent la garnison, les cinq ou six officiers sous les

  1. Quelques mois après notre départ, file de Guam éprouva un de ces tremblemens de terre. Les secousses furent si violentes et si multipliées, que les habitans épouvantés voulaient abandonner l’île et se réfugier à bord de seize navires baleiniers qui se trouvaient alors mouillés dans la baie d’Apra.