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le chiffre de soixante-treize mille ames. Pendant un demi-siècle, ce chiffre ne fit que décroître, si bien que, vingt-trois ans après la soumission des derniers rebelles réfugiés sur l’île d’Aguigan, la population indigène avait presque entièrement disparu. L’île de Guam, dans laquelle les conquérans avaient jugé à propos de concentrer les débris de ce peuple décimé par la guerre, par l’émigration et surtout par l’abus des boissons spiritueuses, ne possédait pas en 1722 deux mille habitans. Il faut rendre justice aux religieux qui suivirent les soldats espagnols aux Mariannes. Héritiers du zèle de Las-Casas, ils firent de nobles efforts pour tempérer les rigueurs de l’occupation militaire ; mais il n’était pas en leur pouvoir de sauver le peuple vaincu du fatal contact de la civilisation européenne. Ce ne fut qu’en 1786 que l’on vit s’arrêter la décroissance de la population. Quelques familles furent alors transportées des îles Philippines sur ce sol désolé, et en 1818, quand M. de Freycinet conduisit la corvette l’Uranie dans le port d’Apra, l’archipel des Mariannes renfermait déjà près de trois mille colons et environ deux mille indigènes. Trente ans plus tard, au moment de notre passage, ces chiffres se trouvaient presque doublés. On comptait à cette époque sept mille neuf cent trente habitans dans l’île de Guam, trois cent quatre-vingt-deux dans l’île de Rota, et deux cent soixante-sept dans l’île de Saypan.

Le développement qu’avait pris, 1668, la population des îles Mariannes semble indiquer que de longs jours de paix avaient précédé dans cet archipel la conquête espagnole. La superficie de toutes ces îles en y comprenant même les plus importantes, était en effet trop restreinte pour que le sol y pût nourrir d’aussi nombreux habitans, si une culture intelligente n’en eût exploité la fécondité naturelle, et si un gouvernement régulier n’eût protégé cette exploitation. L’île de Guam, à laquelle il faut assigner un rang à part, n’a que soixante-seize