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tait pas assez : le même décret suspend pour le premier semestre 1852 le remboursement de l’emprunt souscrit par la banque de Portugal, dont le crédit, jusqu’ici intact, se relèvera difficilement de cette double atteinte.

L’énorme retenue qui pesait sur les employés en activité ou en retraite est augmentée. Et voici qui est plus grave : les traitemens et les pensions étaient payés en cédules du trésor à douze ou quinze mois d’échéance, et qui, vu leur abondance, vu surtout l’exiguïté des coupures, étaient devenues l’une des principales monnaies courantes du pays. Ces cédules, qui, sous la précédente administration, circulaient à raison de 80 pour 100 de la valeur nominale, et que l’avènement de Saldanha avait fait fléchir jusqu’à 43 pour 100, ces cédules valent tout à coup zéro ou à peu près. Saldanha vient de décider que les traitemens et pensions dus depuis le mois de juin 1848 jusqu’au mois de juillet 1851 seraient capitalisés et convertis en titres de la rente 4 pour 100. Les sommes dues pour fournitures à l’armée en 1846 et 47, les intérêts échus ou à échoir de la dette consolidée, tant extérieure qu’intérieure, à partir du second semestre de 1850 jusqu’au premier semestre de 1852 inclusivement, sont soumis à la même opération. Le gouvernement a eu bien soin de stipuler que cette capitalisation en rente 4 pour 100 serait faite au pair. Or, ladite rente était à peine cotée 37 avant que le décret dont il s’agit fût venu en accélérer la dépréciation. L’amortissement de la dette extérieure est en outre réduit de moitié pour 1851, et nous en passons…

Bien qu’il eût daigné convoquer les chambres, Saldanha a rendu ce décret de sa propre autorité, et « en vertu, dit-il, des pouvoirs extraordinaires que j’ai cru devoir assumer pour la circonstance. » Voilà en effet des pouvoirs bien extraordinaires. Reste à savoir jusqu’à quel point le parlement portugais se résignera à les subir. Toute hypothèse à cet égard serait d’ailleurs fort hasardée. La session s’ouvre à peine, et la nouvelle chambre des députés offre un composé tellement bizarre, qu’on ne peut la juger qu’à l’œuvre.

Depuis quelques mois, la politique autrichienne est en veine de prospérité. Dans les affaires d’Italie comme dans celles d’Allemagne, elle a regagné plus que le terrain qu’elle avait perdu. Elle a ressaisi dans la péninsule un ascendant qui serait souverain, si la France n’avait point pris pied dans Rome. Sans avoir retrouvé à Turin l’influence qu’elle désirerait y exercer, sans réussir à inspirer au gouvernement sarde la défiance qu’elle ressent elle-même pour le système constitutionnel qui s’est si promptement établi dans ce pays, elle est cependant parvenue à renouer avec le Piémont des relations amicales récemment cimentées par un traité de commerce avantageux. Le ministère piémontais vient aussi de proposer aux chambres une modification à la loi sur la presse, afin d’enlever au jury et de déférer aux tribunaux ordinaires le jugement des attaques dirigées contre les souverains étrangers, sans que la poursuite ait besoin d’être exercée par leurs gouvernemens. L’Autriche, qui a été et devait être naturellement depuis trois ans le principal objet des invectives de la presse piémontaise, voit dans cette mesure une garantie nouvelle des dispositions sous l’influence desquelles le dernier traité de commerce a été conclu.

En Allemagne, tout en s’efforçant de détourner des préoccupations révolutionnaires l’imagination des populations germaniques, l’Autriche s’est successivement servie avec une habileté merveilleuse des argumens qui pouvaient le