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« Et moi, tout en roulant les grains du chapelet,
« A vous voir si galant, et vert, et grandelet,
« (Faut-il, ô mon vieux Rob, qu’enfin je vous le dise ?)
« Je vous aurais suivi de grand cœur à l’église. »

III


O premières amours, fleurs de notre printemps,
Ils ne vieillissent pas ceux qui vous sont constans !
À quinze ans, je cueillis une fraîche églantine,
Et ma main l’enferma sous la page latine ;
Plus tard, refeuilletant mes livres d’écolier,
Blonds amis que jamais on ne peut oublier,
J’y trouvai l’églantine, et fleur et poésie
Ravivèrent mon cœur à leur double ambroisie.
Fleurs de notre printemps, ô premières amours,
Jusqu’au bord du tombeau vous embaumez nos jours !

IV


À quelque temps de là, des bruits dans la peuplade,
Des bruits tristes couraient « Le vieux Rob est malade !
« — Je saurai le guérir, dit la bonne Mona,
« Et lui rendre le bien qu’un soir il me donna. »
Le lendemain, à peine au ciel paraissait l’aube,
Mona partit. La vache, avec sa blanche robe,
Devant elle marchait, secouant son jabot,
Et marquant sur la terre humide son sabot ;
Quelquefois s’arrêtait pour brouter un peu d’herbe,
Puis s’en allait encor grasse, lente et superbe ;
Sur son front étoilé des cornes en croissant
S’arrondissaient, sa queue et son poil frémissant
Autour d’elle chassaient les bourdons et les mouches,
Et ses grands yeux roulaient défians et farouches.
Mais sa bonne maîtresse, une gaule à la main,
Tâchait de la hâter dans l’agreste chemin,
Et, tout en souriant à l’horizon qui brille,
Doucement répétait : « Allons, allons, ma fille !

Mona trouva gisant, sous son toit de genêt,
L’ami de soixante ans que la fièvre minait.

« C’est vous, murmura-t-il, ô chère et digne femme !
« J’aurai donc là quelqu’un pour recevoir mon ame !