Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

race romaine, M. Devaulx la race grecque, M. Préault la race gauloise, et M. Feuchères la race arabe. Ces morceaux se distinguent par des qualités éminentes, et quelques-uns annoncent une singulière puissance de jet. Toutefois ce travail ne pourra être convenablement apprécié que lorsque chacun de ces grands groupes aura été élevé sur sa base aux quatre angles du pont. Nous faisons les mêmes réserves pour le fronton de l’école des mines, que la mort de M. Legendre-Héral vient de laisser inachevé, et pour le monument funéraire de l’archevêque de Paris, que M. Auguste Debay, lauréat d’un concours célèbre, termine sur place dans l’une des chapelles de l’église Notre-Dame de Paris.

On le voit, dans un pays aussi agité que le nôtre, et dont naguère encore l’avenir était si incertain, la situation des arts est prospère au-delà de toute espérance : c’est plutôt même contre les excès de la production que contre l’impuissance et le découragement qu’il y aurait aujourd’hui à les prémunir. Des esprits chagrins trouveront que cette situation des arts présente une étrange anomalie. Nous voulons, nous, y voir un gage de sécurité pour le présent, d’espérance pour l’avenir. Les artistes, nous le savons, sont les plus insoucians des hommes : ils s’abritent, dans la tempête, sous un rameau de laurier ; mais cette indifférence et ce stoïcisme ne peuvent avoir qu’un temps, car, après tout, il faut vivre. Aussi, quand on a vu, le lendemain d’un bouleversement social et en dépit des terreurs générales, tant de gens de talent se reprendre d’une si ardente passion pour leur art et produire avec cette fiévreuse activité, on a dû croire qu’ils obéissaient à ces mystérieux instincts communs aux artistes et aux poètes, et que l’avenir leur apparaissait stable et pacifique. Espérons que la nouvelle ère qui s’ouvre justifiera leurs prévisions. Quoi qu’il en soit, l’année qui vient de s’achever laissera une trace brillante dans les annales de l’art français. L’impulsion est donnée, et le mouvement ne doit pas s’arrêter. C’est au pouvoir de le féconder et de le diriger. Les arts, dans notre pays de France, veulent être pris au sérieux. Tandis que des politiques à courte vue affectent de ne les considérer que comme une sorte de brillante et onéreuse superfluité, l’homme d’état découvre en eux un des ressorts les plus énergiques et les plus propres à agir sur l’opinion des hommes qu’ils passionnent, un des élémens les plus essentiels à la vie d’une nation, dont ils manifestent l’intelligence et constatent la grandeur.


F. MERCEY.