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figures d’ange, que M. Clesinger vient de terminer, peuvent rivaliser dignement avec les meilleurs morceaux de la sculpture italienne. Le groupe de M. Etex, composé de quatre figures de dimensions colossales, sera digne de ce beau groupe de Caïn qui fonda la réputation de cet artiste il y a une vingtaine d’années. La figure de la ville de Paris est pleine d’accent et de majesté : comme la Niobé antique, elle pleure sur ses enfans étendus autour d’elle, ce vieillard, cette jeune femme, cet enfant que le fléau a frappés ; mais sa douleur, que la Foi console, que la Résignation soutient, est calme et sympathique, elle est surtout étrangère à ces révoltes de l’amour maternel et de l’orgueil qui caractérisent le désespoir de la mère païenne. Ce groupe, exécuté en marbre de Carrare, doit servir à la décoration de la salle principale du grand hospice construit sur les terrains du clos Saint-Lazare. La Pietà de M. Clesinger est destinée à l’une des chapelles de l’église Sainte-Clotilde.

Un autre morceau de sculpture extrêmement remarquable est exposé dans les ateliers de M. Courtet. C’est la reproduction en bronze du modèle de la Centauresse enlevant un Faune qui fut exposé en 1849, et que le jeune artiste, qui a débuté par un coup de maître, appelle, nous ne savons pourquoi, une Bacchanale. En effet, en dépit des pampres, des grappes de raisin, des coupes et de la panthère, ces deux personnages sont animés par une tout autre ivresse que l’ivresse du vin. La centauresse surtout a bien toute la fougueuse ardeur qui convient à ces êtres hybrides. Femme et cavale à la fois, l’énergique et voluptueuse créature brûle du double amour allumé dans ses doubles flancs :

Scilicet antè omnes furor est insignis equarum !…

Le feu qui la dévore la fait bondir et haleter, gonfle son col, soulève son sein, et, serpentant le long de sa croupe sur laquelle elle vient de jeter le jeune faune, lui communique l’ardeur qui la consume et lui livre sans défense ce bel adolescent sur les yeux duquel elle attache son œil chargé d’amour.

La croupe robuste et frémissante contraste merveilleusement avec la légèreté de ce torse de femme si souple, si vivant, si poli, et le bras relevé sur la tête est d’une grace incomparable. La draperie si heureusement jetée sur le corps de la cavale, et qui sert à rattacher les deux natures, est d’une facture et d’un goût excellent. La panthère, les autres accessoires bachiques qui ne nous paraissent imaginés que pour sauver ce que le sujet pouvait avoir de trop délicat, accompagnent fort heureusement la composition. Ils comblent certains vides, cadencent les lignes principales, et, bien que nécessaires à la consolidation du groupe, ne font nullement l’effet de ces pièces de rapport en usage en pareille occasion. Le faune est bien jeune et bien vivant. Il ne s’appartient