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à la puissance du talent. Beaucoup de ses élèves occupent aujourd’hui un rang distingué dans l’école, et l’un d’eux, M. Hippolyte Flandrin, peut être rangé dès à présent au nombre des maîtres. Tout en se rappelant un illustre enseignement, il a su s’ouvrir une voie originale. D’autres, comme MM. Amaury Duval, Tyr et Comairas, se sont montrés, avant tout, fervens imitateurs, et n’ont pu briser encore cette lisière qui retient l’élève au maître, et dont, pour être maître soi-même, il faut savoir s’affranchir. Il en est quelques-uns, au contraire, qui semblent avoir à cœur de faire oublier qu’ils procèdent de l’école de M. Ingres, et ceux-ci, pour faire preuve d’indépendance, se livrent à des écarts qui doivent souvent le contrister.

Nous hésitons à ranger au nombre de ces derniers M. Gérôme, que nous nous plaisons encore à regarder comme une des plus brillantes espérances de l’école, et cependant, il faut bien le reconnaître, déjà au dernier Salon, les tableaux qu’il avait exposés, et particulièrement l’Intérieur grec et le Souvenir d’Italie, accusaient une certaine tendance à l’affectation et un dédain du naturel qui pouvaient faire concevoir de sérieuses inquiétudes. Depuis et tout récemment, M. Gérôme a terminé les peintures qui complètent la décoration de l’ancienne chapelle du Conservatoire des Arts et Métiers, restaurée et transformée en bibliothèque par l’habile architecte M. Vaudoyer. Ces peintures comprennent deux grands médaillons où sont figurés à mi-corps l’Art et la Science, et au-dessous de ces figures de proportions colossales, quatre compartimens de forme oblongue et ogivale, dans chacun desquels l’artiste a placé une figure allégorique avec attributs s’enlevant sur un fond bleu à gaufrures d’or. Ces quatre figures en pied représentent la Forme, la Couleur, la Physique et la Chimie. On retrouve certainement dans ces peintures le talent de l’auteur du Combat de Coqs et d’Anacréon, et cependant, soit que le jeune artiste ait été à l’étroit dans les compartimens qu’il devait remplir, soit que ces représentations abstraites et symboliques convinssent peu à la nature de son talent, correct et précis quant au mode d’exécution, mais qui incline vers la fantaisie et ne craint pas d’exagérer le mouvement pour atteindre à la grace, toujours est-il que ces peintures laissent quelque chose à désirer. Ces critiques ne s’appliquent pas aux deux médaillons. Les figures de l’Art et de la Science nous paraissent réussies et ne manquent pas d’un certain caractère héroïque. Les quatre figures des compartimens, exécutées avec largeur et distinction, pèchent par certaines exagérations coquettes de mouvement, par des recherches de raccourcis que ne comporte pas ce système de décoration, mais surtout par l’absence de style, et par là nous entendons ce mélange de calme et de force qui convient à la peinture monumentale, particulièrement dans la représentation de figures isolées. On a reproché également à M. Gérôme la multiplicité des accessoires, qui brisent