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ses membres M. Lars Hierta, fondateur de l’Aftonblad, et M. G. Hierta, collaborateur du même journal, ainsi que M. Hedlund, secrétaire du congrès. Quelques modifications furent apportées par une discussion rapide aux résolutions prises pendant l’année précédente, et il en résulta un projet de réforme admettant le principe du suffrage restreint, à deux degrés, et avec deux chambres. Tels étaient les vœux du parti libéral en Suède, parti qui comptait en 1849 et au commencement de 1850 un grand nombre d’adhérens dans les classes moyennes, surtout dans la petite noblesse territoriale et dans l’ordre des paysans. Personne ne voulait alors du projet du gouvernement, excepté ceux qu’on appelait les gris, les tièdes, c’est-à-dire les réactionnaires. Cependant, à mesure qu’on approcha de l’époque fixée pour la diète du 15 novembre 1850, le désir d’obtenir enfin la réforme depuis si longtemps demandée fit qu’on porta moins haut ses espérances, et le projet présenté par le ministère réunit de plus nombreux assentimens. Plusieurs journaux cessèrent de le combattre, l’Aftonblad par exemple. On était impatient d’en finir avec cette longue agitation ; ceux qui demandaient une réforme plus profonde en étaient venus à croire qu’une fois ce premier progrès accompli, on obtiendrait facilement d’autres concessions. On parvint ainsi au mois de novembre 1850, époque de la convocation de la diète qui vient de finir il y a quelques mois. On pouvait certes croire que le projet du gouvernement serait adopté ; au grand étonnement dela Suède, une coalition le fit rejeter. La bourgeoisie seule vota pour la réforme telle que la proposait le ministère. Le parti aristocratique, c’est-à-dire les deux ordres de la noblesse et du clergé, dont le chef est M. de Hartmansdorf, rejeta un projet qui ruinait sa puissance : on ne s’en étonna pas ; mais, ce qu’on n’avait point prévu, ce parti se coalisa pour cette lutte presque désespérée avec l’ordre des paysans.

Le vote des paysans s’explique par deux raisons. On conçoit d’abord qu’ils aient, malgré leur allure libérale, rejeté une réforme qui détruisait leur ordre particulier et par conséquent leur importance dans l’état ; il faut bien avouer que le triomphe de la cause réformiste leur profiterait moins qu’aux classes moyennes. Il ne faut pas oublier non plus que les paysans furent, avant la diète, travaillés et circonvenus dans les campagnes par les radicaux, parti faible encore, composé surtout des membres les plus exaltés du congrès d’OErebro, et intéressé à ne pas laisser passer une réforme modérée offerte par le gouvernement. Les paysans furent enchantés de faire du libéralisme tout en sauvegardant leurs privilèges ; les deux premiers ordres rejetèrent la proposition comme trop avancée, le troisième comme anti-libérale. Peut-être enfin le gouvernement lui-même vit-il favorablement, s’il ne l’encouragea pas, cette coalition.

Le gouvernement espère-t-il pouvoir retarder sans cesse la réforme