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des quatre classes, et d’ailleurs ce vote préliminaire, qui devait, aux termes de la constitution, être unanimement approuvé par la prochaine diète et sanctionné par le roi, n’était donné par les deux premiers ordres que comme un témoignage apparent de bonne volonté qui ne les engageait pas. L’opposition était loin de compter sur une seconde lecture. Le roi Charles-Jean mourut au moment où la question de la réforme restait ainsi pendante ; l’avènement du nouveau roi éveilla de grandes espérances. Le prince Oscar s’était montré constamment libéral, et il s’était préparé aux devoirs sévères de la royauté par des travaux qui l’avaient initié à l’esprit des temps modernes. Une diète s’assembla pendant la première année de son règne. La triennalité des parlemens, jusqu’alors quinquennaux, y fut proclamée ; mais la proposition de réforme adoptée par la diète en 1840 n’obtint pas une seconde lecture. Le premier ministre du nouveau gouvernement, M. le baron Nordenfalk, n’en déclara pas moins, au nom du roi, que « la question de la réforme était urgente et méritait un prompt examen. » Le roi lui-même, dans le discours qu’il prononça lors de la dissolution de l’assemblée, exprima le souhait formel qu’une prochaine réforme fût introduite dans le mode de représentation. En exécution de ces promesses, un comité fut en effet nommé par le gouvernement, avec la mission de rédiger un projet de loi ; mais, composé d’hommes dont les intérêts et les avis étaient fort différens, ce comité produisit un rapport qui ne concluait pas, et que la diète assemblée le 15 octobre 1847 ne prit pas même la peine de discuter. Peut-être la question de la réforme aurait-elle été oubliée, négligée tout au moins pendant plusieurs années encore, si la révolution de février n’était venue exciter de nouveau les esprits.

Il y eut alors en Suède un écho affaibli des excès dont nous avons été les témoins en France. Plusieurs journaux, comme la Réforme et la Voix du Peuple (Fölkets Röstet), imitèrent ou traduisirent les articles les plus violens du Peuple de M. Proudhon et de la Commune de Paris de M. Sobrier. L’Odin disserta longuement sur l’organisation du travail. On demanda le suffrage universel. Les ouvriers formèrent des réunions qui se mirent en rapport avec le socialiste norvégien Marcus Thrane ; ils rédigèrent et signèrent des pétitions. Quelques troubles survenus à Stockholm dans les journées des 18 et 19 mars, une mauvaise récolte dans le Jemtland, plusieurs banqueroutes scandaleuses dans la capitale encouragèrent pendant quelque temps un certain nombre de têtes chaudes[1]. Le nouvel essor imprimé au parti libéral était

  1. Il y eut même dans quelques villes de Suède des velléités de socialisme féminin. Une demoiselle Sophie Sager, au mois d’octobre 1849, fit circuler sous main à Upsal l’avis suivant : « Les respectables dames des notables citoyens d’Upsal qui voudraient souscrire à mes leçons pourront se présenter chez moi de dix heures à midi pour apporter leurs signatures sans le contrôle du sexe masculin. » Elle ajoutait confidentiellement : « J’ai appris par expérience que dans cette ville les dames ne sont pas encore assez émancipées pour vivre comme il convient parmi des cavaliers civilisés. Je donnerai des leçons publiques sur l’émancipation des femmes, et je les ferai précéder de quelques exemples triomphans. » Il est bon d’ajouter que Mlle Sager n’a point fait école.