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au-dessous des jaunes tilleuls. Il voit à travers le feuillage les étoiles briller au séjour de Dieu le père, et il entend le bruissement des feuilles chassées par le vent. Mais pendant qu’il est resté plongé dans ses rêves, la nuit, une nuit de septembre, s’est étendue sur le bois, — et il entend de profonds gémissemens dans le fond du bois.

« Le petit garçon écoute ; il ressent une peur secrète et commence à courir en avant. Les mauvaises pensées lui viennent à l’esprit, son pouls bat plus vite et il s’égare au milieu des bruyères. Il pense alors à son père, à sa mère et à ses sœurs : Dieu ! avez pitié de moi qui suis petit… hélas ! que ne suis-je de retour à la maison ?… Et il entend gémir au fond du bois.

« La lune marche silencieuse au milieu des nuages qui divisent sa course, et elle jette un voile d’argent sur la terre. Les ombres allongées fuient jusqu’au pied des montagnes, les malins esprits s’envolent vers le nord, les sommets des montagnes brillent au loin, mais le bois est sombre, et le grand-duc répète son chant lugubre dans le bouleau mouillé par la pluie, — et l’on entend des gémissemens qui s’échappent du fond du bois.

« Le petit garçon court, il court sur la bruyère, et beaucoup de vieux récits reviennent à sa pensée. Les étoiles du ciel brillent davantage et la nuit augmente, mais il ne trouve pas le bon chemin : « Douces étoiles que je vois là-bas en haut du chemin, et vous, petites fleurs flétries, dites, oh ! dites-moi qui gémit donc ainsi dans le fond du bois ? »

« Mais les étoiles et la petite fleur se taisent, et le petit garçon se met à verser des larmes ; mais voici qu’il a touché la demeure des petits Elfs. D’un pied rapide, il se pose dans leur cercle léger : « O vous qui dansez sur la bruyère, vous, belles petites sœurs, dites, oh ! dites-moi qui gémit donc ainsi dans le fond du bois ?

« Et la petite reine des Elfs sourit de ses jolies lèvres ; elle caresse la joue fraîche du petit garçon : « Ne pleure pas, lui dit-elle, bien que tu sois égaré ; viens t’asseoir près de moi sur la touffe de bruyères, essuie tes larmes, je veux te dire qui est-ce qui gémit au fond du bois. »

« Quand la nuit silencieuse couvre la terre et la mer et que le bruit du jour commence à disparaître, quand la vague cherche le repos sous l’île de verdure et que toutes les belles étoiles se mettent à briller, alors la voûte du ciel devient pure comme un miroir, une foule de bons anges se promènent silencieusement au-dessous des cieux, et ils pleurent des larmes d’argent sur la terre.

« Alors la pauvre terre voit son image dans le miroir céleste, et alors elle se trouve si obscure et si dédaignée ! Elle raconte ses fautes, et le mensonge et la vanité et le meurtre, hélas ! son triste fardeau depuis tantôt mille ans. Un tremblement mortel parcourt tous ses membres ; alors prie toute vallée, alors confesse toute montagne, — et l’on entend gémir profondément au fond du bois. »

« — O merci ! reine des Elfs je n’oublierai jamais tes paroles. Je ne crains plus maintenant d’aller par ce chemin jusqu’à la maison ; dans ce rayon de la lune, je vois ma route qui est tracée. Adieu ! Nous nous souviendrons l’un de l’autre. Je suis un petit garçon qui n’ai ni argent ni or, mais je louerai le Seigneur, afin que, pour ma part, je ne sois jamais la cause d’un seul de ces gémissemens que j’entends au fond du bois. »