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que l’éclat du ciel augmente ; elle reste là sans parler, mais sa respiration est inquiète. Si elle écoute aussi attentivement qu’elle regarde, elle entend les battemens de son cœur.

« La troupe marche en avant, et la villageoise examine chaque rang et chaque homme, et son regard est une question, une question craintive et tremblante, une question qui reste sans réponse, une question plus silencieuse que le gémissement même qui se glisse hors de sa poitrine gonflée.

« Quand les paysans sont passés, les premiers comme les derniers, alors le calme manque à la pauvre femme, et sa force se brise. Elle n’éclate pas, mais son front tombe dans sa main entr’’ouverte, et de grosses larmes baignent doucement ses joues enflammées.

« — Pourquoi pleurer ? Prends courage, ma fille, tes larmes sont vaines. Celui que tu cherchais et que tu n’as pas trouvé vit encore ; il a pensé à toi et vit loin d’ici. Il a pensé à toi ; il a suivi mon conseil de ne pas aller en aveugle au-devant du danger. Ce fut en le quittant ma parole d’adieu. Il a suivi ses compagnons parce qu’il y était forcé, mais son envie n’était pas de se battre. Je sais qu’il ne voulait pas renoncer à la vie et à nous.

« À ces paroles, la pauvre fille lève les yeux en tremblant, et comme si un funeste pressentiment était venu troubler le regret tranquille de son cœur. Tout à coup elle tourne ses regards du côté où s’étend le champ de bataille ; elle part, fuit sans tourner la tête, s’efface bientôt et disparaît. — Une heure s’écoule, une heure encore. Voici déjà la nuit. Dans le ciel paraît encore un nuage argenté, mais le crépuscule couvre la terre ; — O ma fille ! reviens ; ton inquiétude est inutile ; demain, avant que le soleil commence à poindre, ton fiancé sera de retour.

« Elle revient ; d’un pas silencieux, elle s’approche de sa mère ; pas une larme ne voile ses doux yeux, mais sa main, tendue par amitié, est froide comme le vent de la nuit, et sa joue est plus pâle que la nuée du firmament.

« — Apprêtez-moi un tombeau, ma mère chérie ; mon dernier jour est venu. L’homme dont j’avais reçu la foi s’est enfui honteusement du combat. Il a pensé à moi, il a pensé à lui, il a suivi votre conseil, il a trompé l’espérance de ses pères et la terre de ses pères. J’ai tout à l’heure pleuré sa mort, j’ai cru qu’il était resté, comme un homme, parmi les morts sur le champ de bataille. Je l’ai pleuré, mais ma douleur m’était chère ; j’aurais voulu vivre mille années pour le pleurer plus long-temps. O ma mère ! j’ai cherché parmi les morts aux derniers feux du jour, mais aucun cadavre ne portait ses traits chéris. Je ne veux pas rester plus long-temps sur cette terre de perfidie. Il n’était pas parmi les morts, ô ma mère ! et à cause de cela je vais mourir. »


Un autre poète finlandais, M. Malmström, a peut-être moins de vivacité que M. Runeberg. Le penchant à la rêverie n’exclut pas chez lui la précision dans l’idée ; les quelques stances que M. Malmström intitule : Pourquoi l’on entend soupirer au fond du bois, peuvent donner une idée du caractère particulier de son talent et de la poésie finlandaise.


« Le petit garçon est assis par un sombre soir d’automne, et joue silencieux