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coupables, ils étaient, disait-il, parvenus à se soustraire à toutes les recherches. M. Alcock, que n’avaient point ému les rumeurs sinistres dont on avait cherché à l’entourer, comprit cependant qu’il devait, pour en finir, porter cette délicate question à un tribunal plus élevé que celui du préfet de Shang-hai. Un second brick anglais, l’Espiègle, venait d’arriver à Wossung. Le capitaine de ce brick consentit à remonter le Yang-tse-kiang jusqu’à Nan-king. À l’annonce de cette nouvelle mesure, les derniers scrupules des autorités chinoises s’évanouirent. Le juge de la province, le ni-taï, quitta brusquement Sou-tcheou-fou et se rendit de sa personne à Tsing-pou. Le 27 mars, il entrait à Shang-hai amenant avec lui dix Chinois dont la moitié au moins fut reconnue par les missionnaires comme ayant figuré au nombre des mariniers qui les avaient assaillis. Ces dix coupables furent condamnés à porter la cangue pendant un mois, et chaque jour on les conduisit devant la douane, le cou fléchissant sous le lourd collier de bois qui portait inscrit en gros caractères le jugement qui les avait condamnés. Dès que cette sentence eut été prononcée, dès que la somme exigée comme réparation pécuniaire eut été déposée par le taou-tai entre les mains du consul, le Childers ferma ses sabords, éteignit ses boute-feux, et les jonques retenues dans la rivière purent cingler librement vers Tien-tsin. Le 10 avril, l’Espiègle arrivait de Nan-king et apportait à M. Alcock un nouveau témoignage de l’effroi et de la soumission des autorités chinoises. Li, précepteur de l’héritier apparent de la grande et pure dynastie, président du conseil de la guerre et gouverneur général des deux Kiang, annonçait au consul anglais la destitution du taou-tai Hien-ling, commandant des trois départemens de Sou-tcheoufou, Song-kiang-fou et Thaï-tsang-fou, « qui s’était, écrivait le vice-roi, complètement mépris dans l’accomplissement de ses devoirs. »

Pendant que ces événemens se passaient dans le nord de la Chine, le nouveau gouverneur de Hong-kong, M. Bonham, se montrait peu rassuré sur les conséquences que pouvaient entraîner les mesures vigoureuses adoptées par M. Alcock. Étonné qu’un agent subalterne eût osé pousser les choses aussi loin sans son agrément, il avait expédié en toute hâte le Fury à Shang-hai. Le capitaine du steamer devait remettre à M. Alcock l’invitation de se renfermer désormais dans ses attributions consulaires et de ne plus se croire autorisé à porter la paix ou la guerre dans les plis de son manteau ; mais, au moment où le Fury arrivait à Shang-hai, la tranquillité était déjà rétablie, la satisfaction accordée était complète, et le blâme infligé à M. Alcock ne pouvait que rehausser aux yeux de ses compatriotes l’éclat du service que sa fermeté leur avait rendu. Comme on pouvait d’ailleurs s’y attendre, l’affaire de Tsing-pou servit long-temps de texte à la polémique des journaux de Hong-kong. On se plut à opposer le succès de la conduite tenue