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le passé de la Suède pour y chercher des inspirations patriotiques, ces poètes ont ressuscité l’ancienne gloire scandinave et réveillé les instincts de nationalité non pas seulement en Suède, mais en Danemark et en Norvège. Le souvenir d’une commune origine et d’une ancienne alliance a fait détester les guerres civiles ; les trois nations du Nord avaient appris à se respecter en se combattant, elles ont voulu s’aimer en se connaissant mieux encore, et leurs poètes ont été ainsi amenés à concevoir l’idée de cette nouvelle union par laquelle, confondant leurs langues, leurs littératures, et même, selon le désir de quelques-uns, leurs armées et leurs marines, elles mettraient enfin un terme à leurs dissensions intérieures et tripleraient leurs forces contre l’étranger. Il s’en faut de beaucoup cependant que l’idée scandinave, que le scandinavisme, comme on l’appelle, soit entré dans le domaine de la politique sérieuse et raisonnée, et l’espoir d’une réunion des trois royaumes sous un seul et même gouvernement doit être considéré comme un rêve ; mais enfin les pensées d’union sont plus fécondes que les pensées de guerre ; celle-ci a déjà produit dans le Nord quelques heureux résultats : elle a renouvelé le patriotisme scandinave, elle a donné naissance à une grande activité intellectuelle et à des rapports littéraires plus nombreux que jamais entre les trois états du Nord. Ainsi dirigée, ainsi contenue, cette agitation ne peut inspirer pour l’avenir du Danemark et de la Suède aucune crainte, et les vaux sympathiques de la France lui sont assurés.

Des trois états scandinaves, la Suède est certainement celui dont le travail intérieur a été le plus ardent pendant les cinquante dernières années. On appelle souvent les Suédois les Français du Nord ; un de leurs meilleurs critiques, Ehrensvärd, a écrit plus justement que les Suédois étaient un peuple tout à la fois fort lent et plein de vivacité. Lenteur dans l’exécution, vivacité dans la conception, telles sont en effet les qualités de la Suède. La première, elle a donné naissance au mouvement littéraire qui s’est produit dans le Nord depuis cinquante ans, ainsi qu’à l’idée scandinave, et cependant sa constitution, rédigée à la hâte en 1809 à la suite d’une révolution militaire et reconnue vicieuse, est restée la même jusqu’à nos jours, sauf quelques modifications insignifiantes. La réforme de cette constitution est devenue, depuis plusieurs années déjà, l’objet commun des vœux de toute la nation suédoise ; il n’en faut guère excepter qu’un certain nombre de ceux que la réforme déshériterait. Comités, journaux et pétitions, rien n’a manqué à l’agitation réformiste : ces efforts ont été inutiles. Le contre-coup de la révolution de février s’est fait sentir en Suède, mais il n’a fait que reculer la solution qu’on cherchait. Heureusement la Suède trouve dans son propre génie un remède aux périls que les entraînemens du caractère national pourraient lui créer ; elle a pu se livrer sans crainte à une véritable agitation politique, parce que son