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commettre des erreurs quant aux choses, qu’il en ait commis surtout quelques-unes quant aux hommes, les membres de ce cabinet n’ont point hésité à le confesser avec franchise. Ils avaient le droit d’en référer à la justice de l’opinion au nom des, circonstances périlleuses dans lesquelles ils ont agi et du but qu’ils poursuivaient. Il avait fallu sauver le pays de la révolution. Ces erreurs, au surplus, ne constituent pas une politique. La politique de l’ancienne administration est celle qui a préservé l’Espagne de la contagion révolutionnaire, et qui l’a mise dans la voie des améliorations intérieures après avoir détourné les dangers du dehors. C’est la politique que le cabinet du général Narvaez pratiquait encore au moment de sa retraite volontaire ; c’est la politique qu’il a léguée à ses successeurs, et rien n’empêche qu’ils ne la suivent honorablement. Ils n’ont pas besoin, pour avoir une raison d’être, de se chercher une originalité factice, de se créer péniblement un rôle distinct. M. Bravo Murillo, nous en sommes convaincus, a la ferme intention de ne point dévier de cette ligne : il est seulement fâcheux qu’un ministère conservateur, par des destitutions multipliées, par de nombreux reviremens dans les emplois, trouve le moyen de si bien complaire aux oppositions qui applaudissent toujours à mesures-là. Tel est en définitive le résultat le plus clair des changemens de ministère en Espagne : c’est de renouveler le cadre des cessantes !

Pour tout dire en effet, M. Bravo Murillo, qui est un esprit distingué, une conscience honnête, a cependant peut-être trop obéi ; dans ce démêlé, à l’empire d’une idée fixe, d’une préoccupation légitime sous quelques rapports, très regrettable sous d’autres : il a voulu trop particulièrement se différencier de ses prédécesseurs en paroles, sinon par action : il a semblé dater du jour de son avènement une ère nouvelle, qui serait l’ère de l’économie dans les finances, de la bonne et régulière administration, comme si tout devait recommencer avec lui. M. Bravo Murillo n’en a pas moins toujours fait partie depuis trois ans du ministère Narvaez ; il a contribué à tous les actes de ce cabinet, car depuis sa démission, qu’il a donnée seulement au mois de décembre dernier, il ne s’est rien produit d’essentiel : M. Bravo Murillo a donc inévitablement sa part de responsabilité dans l’administration antérieure, et il est au moins singulier que ce soit contre lui que ses anciens collègues aient eu à se défendre. C’est un point qui a été très vigoureusement traité par M. Pidal. M. Bravo Murillo s’était retiré à propos d’une divergence sur une somme de 5 millions de réaux, un peu plus de 1,200,000 francs, dans la distribution du budget ; c’est trop peu pour lui donner le droit de se poser en réformateur méconnu. En se posant ainsi d’autre part, il n’était pas seulement injuste envers lui-même et ses collègues da cabinet Narvaez, il était injuste envers d’autres encore, envers tout le passé. C’est ce qui a provoqué l’intervention de M. Mon. S’il est en effet un homme qui ait le droit de revendiquer quelque initiative dans ces questions, c’est bien lui qui affranchit l’Espagne du joug des traitans en 1844, qui a institué en 1845 le système tributaire aujourd’hui en vigueur, qui a fait en 1849 la réforme douanière. Qu’il y ait encore au-delà des Pyrénées beaucoup d’intérêts en souffrance, soit : M. Bravo Murillo est homme à y pourvoir, et l’on doit souhaiter qu’il réussisse ; mais il réussira d’autant mieux qu’il suivra les voies déjà ouvertes. Il est parfaitement sûr de rencontrer là des adhésions sincères. MM. Pi dal et San-Luis, comme M. Mon, l’ont hautement déclaré. L’ancien ministre