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fait palpiter la chair. A-t-on bien pourtant étudié de près et sérieusement l’exécution de ses figures ? Sans parler de la Pietà, qui est taillé dans la pierre, nous trouvons autre bustes en marbre de M. Clesinger, qui nous permettront peut-être d’apprécier la souplesse de ce ciseau si vanté. De ces quatre bustes, deux représentent Mlle Rachel dans le rôle de Phèdre et dans celui de Lesbie. L’idée est assez ingénieuse et propre à fournir de piquantes oppositions. Je reconnais encore que le premier aspect est séduisant, l’artiste ayant appelé à son secours une extrême coquetterie d’arrangement et de costume. On pourrait néanmoins lui faire observer que s’il a voulu, en ces deux pendans, caractériser sous les traits de la célèbre actrice la muse de la tragédie et la muse de la comédie ; sa pensée n’est pas compréhensible pour ceux qui n’ont pas vu Mlle Rachel dans le Moineau de Lesbie, car cette tête couronnée, surchargée de raisins, n’a rien du type classique de Thalie ; c’est une nymphe ou plutôt un éphèbe de Théocrite. Maintenant si nous dépouillons ces bustes des accessoires galans dont M. Clésinger les a ornés, si nous les analysons, déduction faite de leur toilette de théâtre, nous ne trouvons plus qu’un travail assez médiocre. Les contours des lèvres, les ourlets des paupières sont bien négligemment fouillés. Jamais femme vivante n’eut un cou de mannequin aussi raide et empesé. Pourquoi M. Clésinger a-t-il oublié d’y marquer les deux ou trois légers plis que la nature y trace comme un gracieux collier ? On a prétendu dans le temps que la Bacchante, qui fit la réputation de M. Clésinger, avait été moulée sur nature ; sa sculpture de cette année nous le ferait croire : il s’en faut qu’elle soit aussi vivante. M. Clésinger farde sa sculpture d’une préparation huileuse qui ôte au marbre nouvellement taillé sa crudité ; il obtient par ce procédé industriel un aspect fondu, estompée qui dissimule au premier coup d’œil la pauvreté du modelé. L’illusion que produit cette supercherie entre pour une part notable dans les succès de M. Clésinger ; mais si par hasard il oublie ou néglige de l’employer, le masque tombe…, et M. Théophile Gautier reste fort peu satisfait, je le suppose, de l’informe portrait que l’ébauchoir de M. Clesinger lui a dédié. Qu’il se console en pensant que personne ne le reconnaîtra, pas plus que M. Houssaye, transformé en dieu marin. M. Clésinger a encore eu l’idée de représenter M. Pierre Dupont, le chansonnier, la bouche grande ouverte et lançant un refrain. Cette bouche ouverte n’a pas le sens commun ; placée sur le palier de l’escalier qui conduit aux galeries supérieures, elle a exactement l’air d’un tronc pour les pauvres, sollicitant de chaque arrivant une pièce de monnaie.

L’Imagination de M. Fourdrin est poétique. Suivant en cela l’exemple de M. Clésinger, il prodigue les guirlandes et les roses ; mais il ne faut pas que la toilette d’un buste absorbe et détourne l’attention. Plus de