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inquiétantes, il importe aussi d’avertir M. Antigna que les têtes de ses bambins ne sont vraiment pas tout à fait dépourvues de charme. Qu’est-ce à dire ? M. Antigua serait-il dont près de sacrifier aux graces. Vite, qu’il y mette bon ordre et revienne aux vrais principes. Parlez-nous de la Sortie de l’École, voilà un gamin convenablement hideux et malpropre. On en voit de tels dans la rue de l’Oursine ou sur le boulevard extérieur. Pourquoi les prenez-vous rue de l’Oursine ? Mieux vaut, croyez-moi, les aller chercher dans les blés, où le soleil dore leurs joues et leurs guenilles ; dans la vie rustique, les côtés repoussans sont, mués par le paysage qui sert de cadre, et le contingent de laideur que l’homme y apporte se fond aisément dans l’harmonie générale de la nature.

Il faut toute la volonté tenace de M. Courbet pour résister à ce correctif salutaire ; cela vient de ce que la figure humaine, presque toujours de grandeur naturelle dans, ses tableaux, y absorbe exclusivement l’attention, et aussi, je crois, de ces affreux habits neufs dont il orne presque toujours ses paysans. Les haillons en peinture ont bien leur prix, surtout quand on sait les choisir riches de tons. Les costumes du Midi, ceux de la Bretagne, sont en ce genre des modèles classiques sans cesse reproduits, et qu’on revoit avec plaisir : il est aisé d’en tirer un parti avantageux ; comme a fait. M. Hédouin dans ses Femmes à la Fontaine, jolie petite composition à laquelle il ne manque qu’un dessin plus arrêté ; mais choisir précisément une manière de fermier en habit gris à queue de morue, tout ce qu’il y a de plus gauche, de plus cru, de plus butor, c’est vouloir soutenir une gageure malheureuse contre le bore sens.

Après M. Courbet, chacun supposerait qu’il faut tirer l’échelle ; pas encore s’il vous plaît. Nous avons découvert une certaine pastorale au moins aussi extravagante en son genre que l’Enterrement d’Ornus : Berger et Bergère, ainsi s’intitule ce curieux morceau où l’on voit un cyclope aux bras rouges, à la face enluminée comme un Iroquois, assis aux pieds d’une Galatée à jupon rayé de rouge, et dont la coiffe rose, se reflétant sur ses joues, produit un effet pourpré assez bizarre. Il est probable que l’auteur a organisé toute sa machine pour en venir, par des dégradations successives de tons, à ce résultat : le résultat est médiocre et ne saurait excuser la laideur de l’ensemble. Je ne citerais pas cette énormité, si elle ne portait le nom de M. Riésener. M. Riésener passe pour un peintre, du moins il se trouve des voix pour le proclamer tel ; en y mettant la meilleure volonté, il est difficile de comprendre ce talent-là ; pour être coloriste, il suffit d’étendre force carmin sur les joues de ses personnages, nombre d’écoliers en remontreront même à M. Riésener. Il y a de cet artiste une douzaine de portraits au pastel, tous plus bizarres les uns que les, autres, entre lesquels