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n’a pas non plus ce langage technique qui donne plus de précision à tous les mouvemens de la pensée, mais les rend aussi moins naturels et moins libres. Aucun appareil scientifique ne vient s’interposer entre l’esprit et la vérité pour en prévenir le contact intime et direct. Quelque rigueur peut manquer, par conséquent, à l’exposition des grands problèmes philosophiques ; mais l’amour passionné de la vérité circule et anime tout de sa chaleur. On sent un esprit, mieux encore une ame directement, engagée pour son compte dans l’étude pleine d’angoisses qu’elle veut vous faire partager. C’est un homme d’un sens et d’un cœur droits, élevé comme l’un de nous, parlant notre langue commune, et faisant, sous nos yeux, a ciel découvert, le travail de recherche et d’examen intime que plus, d’un peut-être a commencé à portes closes dans le secret de sa conscience. Du sein de cette société malade et troublée, qui, depuis soixante ans gouvernée par sa raison seule et fatiguée de ce gouvernement très instable, voudrait l’assujétir à quelques règles sans y renoncer tout-à-fait, qui voudrait commencer à croire sans perdre l’habitude de comprendre, un de ses enfans s’est élevé pour lui adresser la parole d’après son expérience personnelle et lui apprendre comment les bases chancelantes de la raison peuvent être en même temps couronnées et affermies par la foi, comment la liberté peut, sans rien perdre de son élasticité et de sa force, se plier sous le joug de l’autorité.

L’accord de la foi avec la raison, de la liberté d’esprit avec l’autorité spirituelle, tel est le but que poursuivent avec une ardeur infatigable les longs développemens de M. Nicolas. Preuves extérieures, preuves intrinsèques, étude des traditions populaires et des instincts moraux, l’église, aperçue du dehors, dans toute la majesté de son édifice consacré par les âges, les profondeurs de la conscience illuminées aux clartés du dogme, tout sert, entre ses mains, à mettre la raison consciencieusement interrogée du parti de la foi. Tout tend à faire monter son lecteur à ce degré qui est, suivant lui, le point suprême d’élévation de l’être humain, une foi raisonnée, et une soumission libre. Son livre est un long dialogue entre la foi et la raison, et c’est pour cela qu’il a trouvé dans cette société tant d’auditeurs pour écouter l’entretien.

Cette société, en effet, il est permis de le dire, et semble l’incarnation de la raison humaine avec ses grandeurs et ses misères. L’histoire des soixante dernières années de la France, c’est l’histoire tantôt rieuse, tantôt humiliée, toujours agitée de la raison. Depuis le jour où la France a, du même coup, secoué tous ses préjugés et rasé par le pied ses institutions, elle s’est mise tout entière à la discrétion de sa raison. Cette grande aventure développe devint nous toutes ses phases Nous avons vu successivement la raison impétueuse balayer tout devant