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ses intentions aux dépens de son génie, qu’il fut révolutionnaire à son insu. Franchement, pense-t-on qu’en fortifiant l’aristocratie, si cela lui avait été possible, il aurait prévenu la chute du trône ? Rien de plus courageux, rien de plus dévoué, rien de plus illustre que l’ancienne noblesse française. Elle a fait la carte de la France à la pointe de son épée et à la trace de son sang dont elle a versé le plus pur sur tous les champs de bataille de l’Europe et de l’Asie. Race militaire incomparable, ouverte à toutes les idées hautes et généreuses, facilement inclinée au goût des arts et à l’amour des lettres, adoucie et non amollie à leur contact ; reine de la langue souvent par l’énergie et la force, toujours par la grace, la facilité et l’agrément ; associée dans tous les temps, avec un entraînement trop naïf peut être ; mais désintéressé et, sincère, à ce progrès des idées, à ce renouvellement des institutions qui, après l’avoir prise pour auxiliaire, s’est plus d’une fois tourné contre elle ; fût-elle dépossédée, fût-elle réduite à n’être plus qu’un nom, une ombre, un souvenir, la noblesse française ne cesserait pas d’être un dès ornemens de la France. Bravoure, dévouement, culture de l’esprit, inspiration du cœur, voilà son glorieux et imprescriptible partage ; mais, de bonne foi, y a-t-elle jamais fait entrer le génie politique ? Et dans ces terribles cataclysmes où les trônes tombent moins sous une attaque matérielle que sous l’agression des idées, de quel secours aurait été son épée, cette héroïque épée de Ptolémais, de Marignan et de Fontenoy ?

Au surplus, personne ne peut triompher de cet aveu, arraché par la vérité. Si d’autres classes ont succédé à la noblesse, si à leur tour elles se sont emparées du pouvoir, combien de temps l’ont-elles gardé ? comment ont-elles su le défendre ? Sous ce rapport, la classe moyenne a-t-elle rien à reprocher à sa devancière ? Les cadets ont-ils été plus heureux que les aînés ? Rien moins encore ; mais passons,… Ne remuons pas des cendres mal éteintes… Convenons seulement qu’il n’y a jamais eu en France qu’une seule chose politique : la monarchie. Richelieu l’a affermie, et les Guise ont essayé de la détruire. Voilà pour l’ensemble du parallèle. Quant aux circonstances de détail, aux moyens accessoire à l’égard des protestans. En les persécutant, les Guise en ont fait un parti redoutable. Richelieu ne les a jamais persécutés et les a toujours contenus ; il a respecté l’édit de Nantes, même après avoir pris La Rochelle. Quand les ministres et les prédicans de cette ville vinrent lui faire leur soumission, il les accueillit le plus courtoisement du monde, et leur dit avec autant de modération que d’esprit : « Messieurs, je suis charmé de vous recevoir, non comme un corps d’ecclésiastiques, mais comme des gens de lettres dont j’estime le savoir et le talent. » Qu’on rapproche cette audience de La Rochelle