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dans leurs succès les plus légitimes, même lorsqu’ils défendent la loi de leurs pères, jamais on ne se surprend à faire des vœux pour leur cause. On sent que la gloire de sauver la France, de la retenir au bord de l’abîme, de la rasseoir sur les bases ébranlées, appartient à une main plus autorisée et plus auguste.

Un grand ministre perfectionna l’œuvre d’un grand roi ; Richelieu complète Henri IV. Arrêtons-nous un moment devant ce nom, à l’exemple de M. de Bouillé, qui l’a amené dans son récit et l’a rapproché des Guise. Il est impossible, en effet, de ne pas se préoccuper de.Richelieu, dès qu’on touche aux grandes choses de l’histoire de France.

Le nouvel historien attribue au cardinal de Lorraine la première idée de cette politique qui protégeait les protestans à l’extérieur et les persécutait dans l’intérieur du royaume : « combinaison hardie et profonde, enfantée par un esprit plus vaste que scrupuleux, qui servit de modèle ou du moins de précédent au plus habile peut-être et certainement au plus absolu des ministres qui aient gouverné notre pays ! » - Et plus loin : « Suivant le système politique adopté par le cardinal Charles-de-Lorraine, Richelieu soutient, en Allemagne, la cause des réformés qu’il prétend étouffer dans le royaume. »

En quelque occasion que ce soit, il serait beau pour le cardinal de Lorraine d’avoir servi de modèle au cardinal de Richelieu. Cela suffirait à sa gloire, car on ne saurait souscrire au peut-être qui accompagne ce rapprochement. Richelieu fut, non-seulement le plus absolu des ministres, mais le plus grand de tous ceux qui aient jamais gouverné en France ou ailleurs. C’est ici ou jamais l’occasion de reprendre la distinction que j’ai commencé par établir entre les personnages épisodiques et les personnages nécessaires, entre les hommes qui se sont accompli efforcés de remonter inutilement le courant des âges et qui ont accompli l’œuvre légitime et providentielle d’une époque : on verra nettement en quoi diffèrent les cardinaux de Richelieu et de Lorraine.

Je l’ai déjà dit, les Guise ont arrêté la marche de la France vers l’autorité monarchique ; ils ont interrompu, l’impulsion donnée par saint Louis, Philippe-le-Bel, Louis XI et François Ier, suspendue momentanément une seconde fois, après Henri IV, sous la triste régence de Marie de Médicis. Richelieu, au contraire, a remis cette politique en mouvement. Chacun, au gré de ses opinions particulières, lui en fait un mérite ou un crime ; on lui impute d’avoir privé le trône de ses appuis naturels en détruisant la noblesse, et cette allégation atteint la mémoire de deux côtés à la fois. Éloge ou blâme, pour les démocrates excessifs comme pour les aristocrates exagérés, Richelieu est un révolutionnaire. Je passe sur cet anachronisme de langage et me hâte d’aller au fond d’un jugement historique qui, pour avoir été