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fut désormais confiée par les papes au bras également fidèle et fort de leurs fils bien-aimés les ducs de Guise.

Louise de Savoie ne parvint pas à faire partager sa défiance à François Ier. Devenu moins impétueux, moins irritable depuis sa prison, le roi n’aspirait plus qu’au repos. Il ne voulut pas écouter les suggestions de sa mère ; il se rappelait que, lors de la fatale aventure du connétable, sa piété filiale lui avait coûté bien cher. Pour cette fois, il refusa de prêter l’oreille à des dénonciations jalouses. « Mme la régente, dit Brantôme, voulut faire un mauvais parti à M. de Guise… Elle parloit quelquefois autant par passion et affection que par raison, ainsi que le chancelier Duprat, qui n’estoit point guerrier, et toutesfois s’en vouloit mesler lui avoit soufflé aux oreilles. » Bref, au lieu de se fâcher contre le duc de Guise, le roi trouva for bon qu’il eût battu « ces marauds, qui disaient que tous biens étaient communs. » Sur ce point, il serait difficile de ne pas être de son avis.

Malgré ses défauts et ses vices, François Ier a été l’idole de son pays et de son temps, parce qu’il en était lui-même la vivante image. Les Français n’ont perdu qu’après son règne le caractère qui leur était propre, dénaturé plus tard par l’introduction successive de mœurs étrangères : italiennes sous les fils de. Catherine de Médicis, ensuite espagnoles, puis anglaises, maintenant enfin composites et mixtes. Plus préoccupés des théories du XVIIIe siècle que des coutumes du XVIe, des écrivains économistes ou rationalistes, constitutionnels ou constituans, M. Roederer, M. Sismondi, ont poursuivi la mémoire du vainqueur de Marignan ; ils ont accablé de leurs anathèmes ce prince si homogène à ses compatriotes, si sympathique à ses contemporains. Un esprit plus libre et d’un ordre plus élevé, un historien véritable n’a pas adopté contre François Ier des conclusions encore plus partiales que sévères. M. Augustin Thierry a reconnu du moins « que, parmi les hasards auxquels François Ier abandonnait sa conduite, il lui arriva de rencontrer juste pour la gloire et pour le bien du royaume, que sa volonté arbitraire, parfois violente, fut généralement éclairée[1]. » Tout en faisant à travers le moyen-âge un voyage de découverte à la recherche d’un tiers-état, M. Thierry a su rendre justice à un roi gentilhomme. Quoi qu’en aient dit ses détracteurs, François Ier avait l’ame et surtout l’imagination généreuse. Poète sur le trône, il cherchait, en toutes choses l’idéal, ce qui expose quelquefois à prendre l’apparence pour la réalité. Même après Borgia et Machiavel, il se croyait encore en pleine chevalerie, et pourtant depuis le XIVe siècle la chevalerie n’existait plus. Décimée à Crécy, à Azincourt, elle avait péri, de la main des Anglais, sur le bûcher de Jeanne d’arc. François Ier la renouvela, non comme une

  1. Monumens inédits de l’Histoire du Tiers-État, introduction, p. XC ; Paris, 1850.