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et très bon catholique, et chrestien, s’arma soudain, et ne leur donna pas loisir de venir à luy, mais luy alla à eux, et ayant assemblé la troupe assez petite pourtant, les alla charger à la plaine de Saverne, et les défit tous, si bien qu’il n’en resta pas mille pour en porter nouvelles en leur pays. »

Les communistes expédiés, Claude accourut au cri des habitans de Paris épouvautés ; l’armée anglaise campait à quelques lieues de leurs remparts. Le duc s’y enferma, déterminé à mourir avec eux ou à sauver leur ville. Il la sauva. C’est alors que fut scellé ce pacte si long-temps indissoluble qui lia les Parisiens aux Guise : alliance utile et féconde, si elle avait affermi le trône légitime et national à l’ombre d’une épée victorieuse. Vouée au renversement de ce qu’elle aurait dû protéger et défendre, elle ne produisit que des résultats funestes et ne porta que des fruits empoisonnés.

Louise de Savoie, régente pendant la captivité de son fils, ne put se défendre de violens soupçons. Pour frapper les reîtres, Claude n’avait pas attendu ses ordres ; c’était même contre l’avis du conseil qu’il avait marché sur l’ennemi sans perdre un instant, se donnant à peine quelques heures pour voir sa vieille mère, qui le bénit et lui dit : « Mon fils, sans tarder, sans faillir, allez combattre pour la gloire de Dieu. » Il avait combattu et vaincu, mais cette victoire avait rendu sa désobéissance plus éclatante. La régente aurait plus volontiers pardonné une défaite. Son dépit s’accrut en proportion de la popularité de Claude de Guise, et lorsqu’au bruit des acclamations du peuple, ravi de la vaillance, de la libéralité du prince lorrain, le parlement de Paris lui eut écrit pour le complimenter, Louise de Savoie crut voir reparaître un autre Charles de Bourbon plus dangereux que le premier.

La défiance de la régente était au moins prématurée. Certes, elle n’était en droit de faire aucun reproche à Claude ; mais le contraste entre le roi de France prisonnier dans une capitale étrangère et un prince étranger libérateur de la capitale de la France pouvait semer dans l’avenir un germe funeste à la dynastie régnante. En effet, c’est précisément de cette délivrance de. Paris que date la popularité de la maison de Guise. Déjà même, sans rompre le lien féodal qui l’attachait à la couronne, cette famille avait jeté les fondemens de son crédit à la cour de Rome. En professant un grand zèle catholique, en se faisant affilier aux bénédictins aux chartreux, aux frères prêcheurs et à d’autres ordres religieux investis d’une haute influence, en sollicitant des graces particulières pour sa femme et pour lui, Claude de Guise s’était créé à Rome une position particulière, indépendante de la politique générale de nos rois. C’étaient autant de déclarations de guerre contre le protestantisme. Les progrès de la secte étaient encore faibles et douteux dans le royaume ; mais elle pouvait grandir comme en Allemagne. Sa destruction