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au-dessus de la plus haute noblesse. Les exemples en étaient fréquens à cette époque ; ils se sont perpétués jusqu’à nous, non pas à la vérité en France, où toutes les traditions aristocratiques sont abolies, depuis long-temps, mais en Allemagne et dans le nord de l’Europe. On y voit souvent des princes allemands, de ceux qu’on appelle Ebenbürtig, entrer au service des puissances du premier ordre, telles que la Russie, l’Autriche, la Prusse, s’y établir pour le reste de leurs jours, et ne quitter l’uniforme qu’avec la vie. Sous la féodalité, ce lien était encore plus resserré et plus durable. Comme la naturalisation des princes étrangers, presque toujours suivie de quelque opulent mariage, devenait une occasion naturelle d’acquisitions importantes, leur situation dans leur patrie adoptive n’était pas uniquement fondée sur la prestation du service militaire ; elle l’était aussi sur une large part dans la possession du sol. Cette situation, à la fois territoriale et politique, ne restait pas simplement viagère ; de l’individu, elle passait à la race. Sans parvenir à se faire complètement nationales, ces familles participaient cependant à tous les droits, à tous les privilèges des naturels du pays.

C’est donc par suite d’une coutume à peu près générale, et non par aucune vue ambitieuse ; par aucune combinaison dynastique, que le duc de Lorraine, René II, établit à la cour de France Claude, comte, puis duc de Guise, le second de ses fils. Tout héros qu’il était, le vainqueur de Charles-le-Téméraire n’agit dans cette occasion qu’en bon ménager, en excellent père de famille. Ce partage entre ses enfans était indiqué par la nature de ses possessions, qui, d’une part, consistaient en terres souveraines et indépendantes telles que ses deux duchés ; de l’autre, en biens allodiaux situés en France. Même avant de songer à acquérir aucune prépondérance politique dans le royaume, les princes lorrains y étaient déjà puissamment établit, tant au midi que dans le nord, grace à leurs alliances matrimoniales. Comme héritiers de la maison d’Anjou, ils avaient de grandes terres en Provence, en Champagne, en Picardie, en Flandre ; ils tenaient d’autres fiefs en Normandie du chef de leur aïeule, Marie de Harcourt, comtesse de Vaudemont. Ce fut cette portion de ses domaines que le duc René légua à la branche cadette de sa maison, pour en faire une famille toute française, entièrement distincte de la branche aînée, destinée à gouverner la Lorraine. Le roi Henri IV était donc plus partial qu’exact, lorsqu’il prétendait qu’à leur arrivée dans le royaume, les Guise n’avaient que 15,000 livres de rente et un valet. Ce qu’il y a de bien sûr, c’est que, sans le rôle qu’ils jouèrent plus tard, la clause qui les concernait dans le testament de leur père n’aurait pas eu plus d’importance historique que la naturalisation analogue des deux branches collatérales des maisons de Mantoue et de Savoie, établies en France sous le nom de ducs de Nevers et de Nemours.