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de leur race ; puis enfin leurs descendans affaiblis et dégénérés, les petits Guise à la suite des grands Guise. Toutes ces physionomies revivent dans un récit abondant, quoique sévèrement enchaîné. Sans doute l’admiration emporte quelquefois un peu trop loin le nouvel historien : « Rien n’est plus illustre que les Guise ! » dit ou plutôt s’écrie M. de Bouillé. Ici, il devient difficile de partager entièrement son enthousiasme, néanmoins on peut le comprendre. Les Guise n’ont point atteint le but, il est vrai ; mais ce but était bien haut, et ils en parurent bien près. On les suit avec un intérêt passionné dans cette lutte prodigieuse. Entre les qualités et les défauts, entre les vertus et les vices, ils apportent cette balance qu’Aristote imposait aux personnages dramatiques. Ce seraient tes plus brillans aventuriers du monde, si ce mot d’aventuriers pouvait s’appliquer aux descendans de Gérard d »Alsace, aux petits-fils de René d’Anjou. Avant de déchirer la patrie qu’ils ont choisie, ils la servent et la défendent ; ils couvrent la France de leur épée en attendant qu’ils la lui plongent dans les entrailles. À la fois miséricordieux et cruels, ils protègent et persécutent, ils mêlent les victoires et les supplices. Braves jusqu’à la témérité, imprévoyans jusqu’à la démence, ils courent à une mort certaine d’un rendez-vous d’amour. Aussi, par un mélange de grandeur, de passion et de faiblesse, ils sont devenus les favoris, les privilégiés de l’histoire. C’est qu’en dépit de la pruderie dont elle fait parade, l’histoire se laisse séduire comme le roman ; elle estime les Grandisson, mais elle aime les Lovelace. Quelle différence, par exemple, entre les Guise et ces descendans d’Arnould qu’ils avaient choisis pour ancêtres, entre cette dynastie manquée et cette dynastie accomplie qui commence aussi par quatre grands hommes dont le quatrième est le plus grand de tous ! Il n’y a assurément aucune comparaison possible entre les premiers Carlovingiens et les premiers Guise. Sans parler de l’issue si différente de leur entreprise qui pourrait assimiler Pépin de Landen, l’aïeul de Charlemagne, a ce Claude de Lorraine, qui ne fut que l’aïeul du Balafré ? Malgré sa bravoure de chevalier et ses talens de capitaine, quelle proportion entre François de Guise écartant les impériaux de la frontière et Charles-Martel rejetant l’islamisme hors de la civilisation ? Rapprocher Pépin-le-Bref du héros des barricades, c’est mettre le triomphe en présence de la défaite. On ne peut pas aller plus loin ; ici, tous les points du parallèle échappent à la fois. Pour le continuer, il ne faudrait pas s’arrêter au XVIe siècle : il faudrait remonter à l’antiquité païenne ou redescendre jusqu’à des temps très voisins, quoique très différens des nôtres. Il n’y a donc nulle égalité entre les Guise et leurs prétendus ancêtres. Il n’en est pas moins vrai que de ces deux époques, de ces deux races, c’est à la plus moderne que nous réservons l’intérêt le plus vif, la curiosité la plus sympathique. On n’admire l’autre que de loin ; la distance,