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usuelle : on peut se le procurer dans les cinq ports, et dès-lors rien n’empêche votre gouvernement d’acheter toutes les quantités qui lui sont néccssaires.

« Les offres de remboursement faites par le commandant Wan n’étaient pas convenables. Votre excellence est trop généreuse pour les accepter. Toutefois il est juste que l’équipage du bateau à vapeur soit dédommagé du surcroît de travail qui lui a été imposé, et en conséquence j’ai transmis à notre amiral l’ordre de préparer quelques faibles présens que je destine à vos matelots et dont la liste est ci-jointe.

« J’espère que votre excellence voudra bien les remettre en mon nom à l’équipage. Je tiens à prouver combien je suis sensible au service que vous m’avez rendu.

« Voici la liste des présens : huit boeufs, huit moutons, huit boîtes de thé ; huit barils de sucre candi, huit barils de farine, huit barils de lung-ngan secs ; huit barils de li-tchi, huit paniers d’oranges. »

Ce n’est point pour encadrer ici cette pittoresque facture des cadeaux du commissaire impérial que j’ai reproduit les documens qui précèdent. Ces deux lettres ont une portée plus sérieuse ; elles nous révèlent la pénurie et la faiblesse du gouvernement chinois, obligé d’avoir recours aux Anglais pour donner la chasse à quelques misérables jonques de pirates, et en même temps elles fournissent un modèle du ton protecteur que le gouvernement anglais, en toute occasion, prend volontiers à l’égard du Céleste Empire. Et puis il ne faut pas négliger cette modeste demande de charbon qui se glisse avec tant d’à-propos dans la dépêche de M. Bonham, très désireux, et pour cause, de faire plus ample connaissance avec les habitans de Formose. Il est vrai que le commissaire impérial n’a garde d’y prêter l’oreille, et qu’il se dérobe de la meilleure grace du monde à la proposition embarrassante de son ami, en s’enfuyant par la porte commode de l’incompétence, et en accablant l’indiscret solliciteur de remerciemens, de complimens et de cadeaux. Toujours des deux côtés la même tactique, toujours cette curieuse partie de barres qui se joue depuis huit ans et se jouera long-temps encore entre la Grande-Bretagne qui veut forcer le camp et le Céleste Empire qui refuse poliment l’entrée ! En fait d’argumens ou plutôt d’arguties diplomatiques, les Chinois ne seront jamais à court ; mais les Anglais sont persévérans, ils se sentent forts, et tôt ou tard ils sauront bien élargir la brèche qui a été ouverte par les traités.

Nous ne devons pas, assurément, souhaiter l’extension de l’influence anglaise ; mais il faut accepter les faits, et, puisque nous avons permis à l’Angleterre de s’emparer en Asie du premier rôle puisque, dans la lutte engagée désormais entre les deux civilisations, l’Angleterre représente réellement l’intérêt européen, nous sommes tenus de nous associer à sa cause, sauf à revendiquer plus habilement, par la sagesse de notre politique et par l’activité de notre commerce, une part honorable dans les profits.

Lorsque sir Henry Pottinger dicta les conditions du traité de Nankin, il dut se trouver fort embarrassé pour le choix de la colonie destinée à recevoir le pavillon anglais dans les mers de la Chine et pour la désignation des quatre ports qui, indépendamment de Canton, allaient être ouverts au commerce étranger. Hong-kong n’était qu’un rocher ; mais il possédait un beau port : sa