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aux garnisons isolées. Ces limiers étaient si bien dressés que bientôt les christinos se virent forcés d’employer des colonnes de mille et de quinze cents hommes pour protéger le ravitaillement d’une garnison de deux ou trois cents hommes, ou bien d’abandonner les villages occupés. Dans le premier cas, les convois étaient inévitablement vendus aux défilés des routes et des sentiers ; dans le second cas, c’était à Zumalacarregui que les villages évacués par les garnisons tenaient compte de leur délivrance, ce qui augmentait, son prestige en agrandissant proportionnellement ses moyens d’action.

Dans la guerre de montagne, il est rare qu’on ait à combattre en ligne. Aussi est il avantageux de fractionner le commandement, afin de laisser aux corps détachés plus de liberté d’action. C’est ce que Zumalacarregui a compris mieux qu’aucun autre homme de guerre. Il prit pour cadre d’organisation le bataillon à la place du régiment ; il habitua même les compagnies à se mouvoir hors du cadre du bataillon, en donnant aux capitaines une responsabilité relative plus grande, de telle sorte que les compagnies ne se démoralisaient jamais dans une retraite, quand elles se trouvaient séparées de leur corps principal. C’est cette organisation par bataillon que avons adoptée nous-mêmes, lorsque nous avons formé les chasseurs de Vincennes en vue d’une guerre dans la Kabylie. Et, pour le dire en passant, cette organisation spéciale a déjà produit des résultats si avantageux, qu’avec les chasseurs de Vincennes, la France n’aurait plus à craindre, dans une guerre de Navarre, de voir se renouveler les désastres de l’empire.

Zumalacarregui avait adopté, pour l’équipement de ses bataillons, à la place de la giberne, boîte à cartouches fixée sur le devant, de façon à éviter la gêne que cause la giberne au tirailleur, soit dans la marche, soit pour la prise de la cartouche. Il avait aussi bruni le canon des fusils, dont l’éclat trahit souvent le soldat dans une marche de nuit ou dans une embuscade. C’est pour ce même motif sans doute qu’au lieu du shako, il conserva à ses volontaires le berret rond national ou boïna. Les volontaires carlistes, ainsi équipés ; firent souvent des marches de quinze lieues, au cœur de l’hiver, sans autre chaussure que l’alpargata, sandale à semelle de chanvre nouée à la cheville par des rubans de laine.

On connaît maintenant la scène, les acteurs et le plan de ce drame militaire. Il ne reste plus qu’à voir Zumalacarregui à l’œuvre.


II

Les insurgés des provinces basques, chassés de Vittoria et de Bilbao par Saasfield, dispersés à Oñate presque sans combat, vinrent chercher