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années plus tard, ces hordes, maîtresses de toute l’Asie centrale, franchirent l’Oxus, sous la conduite de Houlagou l’un des petits-fils de Tchinguiz-Khan, et arrivèrent sous les murs de Bagdad. Cette magnifique métropole fut prise, livrée au meurtre, à l’incendie et au pillage (656 de l’hégyre., 1258 de Jésus-Christ) ; le khalife Mostassem fut mis à mort, et avec lui finit la dynastie des souverains pontifes de l’islamisme. L’école de Bagdad cessa d’exister. Celle de Damas avait dû décliner rapidement au milieu des troubles occasionnés par les invasions des Tartares, des chrétiens d’Occident et des Égyptiens qui s’efforçaient de s’arracher tour à tour la possession de la Syrie. Les sultans d’Égypte avaient aussi à se défendre chez eux contre les croisés. Ces agitations politiques, ces guerres incessantes, expliquent, si je ne me trompe ; pourquoi la chaîne de la tradition scientifique semble ici s’interrompre en. Orient. Il nous faut, en effet, franchir l’intervalle d’un siècle et demi, à partir du moment où nous ont conduits les derniers travaux des astronomes arabes, pour arriver à deux hommes qui se vouèrent, mais avec un mérite bien différent, aux mêmes études. Le premier est Abou’l Hassan Aly, originaire du Maroc. Son ouvrage, intitulé Collection des commencemens et des fins, est d’un faible mérite en ce qui concerne l’exposition des théories mathématiques ; il ne se recommande que par la description des instrumens astronomiques usités de son temps, et parmi lesquels on distingue plusieurs quarts de cercle, une sphère, un planisphère, dix sortes d’astrolabes, etc., et par la rédaction des formules géométriques qui règlent la construction de ces instrumens. Abou’l-Hassan fut plutôt un praticien qu’un savant proprement dit. Le second des deux astronomes que vit naître le XIIIe siècle est Nassyr Eddin Abou Djafar Mohammed, de le ville de Thous, dans le Khorassan. Il fût d’abord au service des princes ismaéliens, si célèbres dans nos chroniqueurs des croisades sous le nom de chefs des assassins, de vieux de la montagne. Houlagou ayant détruit leur souveraineté dans la Perse Nassyr Eddin s’attacha au conquérant mongol, et gagna bientôt sa confiance. Les Tartares entreprenaient leurs marches militaires, décidaient leurs affaires les plus importantes d’après les indications que leur suggérait l’état de la voûte céleste. Nassyr Eddin, faisant tourner ces vaines opinions au profit de la science, démontra à Houlagou la nécessité d’avoir de bonnes tables astronomiques comme base des calculs astrologiques. Par l’ordre de ce prince ; un observatoire fût bâti à grands frais dans la ville de Meraga, non loin de Tauriz, en Perse, dans l’année 1259, et pourvu d’une riche collection d’instrumens et de livres. Nassyr Eddin en eût la direction, et, c’est là qu’il fit les observations qui lui ont valu une brillante réputation. Les Orientaux le comptent parmi leurs savans du premier ordre, et le désignent quelquefois simplement par le titre de khodja ou docteur. Nassyr Eddin perfectionna plusieurs instrumens propres à l’astronomie et aux mathématiques ; il en inventa de nouveaux. Ses tables obtinrent, dès leur apparition, la plus grande célébrité, et l’auteur fut assimilé à Ptolémée, dont il était censé avoir amélioré les doctrines ; elles ne tardèrent pas à pénétrer jusqu’au fond de la Tartarie et de là jusqu’en Chine.

Le nom de Nassyr Eddin, qui fut le contemporain d’Aboulféda, termine la liste des mathématiciens et des astronomes musulmans auxquels le prince de Hamat a pu recourir, et dont la réputation est parvenue jusqu’à nous. Après