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religion), obtint la couronne ; mais il ne tarda pas à être jeté dans les fers, et les émirs recommencèrent à se disputer le pouvoir. L’un d’eux, Lajyn, porta pendant deux ans le titre de sultan. Suivant quelques auteurs, il était originaire des bords de la mer Baltique. D’abord enrôlé parmi les chevaliers teutoniques, il s’était associé aux exploits de son ordre contre les Païens de la Livonie, ensuite il s’était rendu en Syrie pour prendre part à la conquête du Saint Sépulcre, mais, adjurant sa religion pour embrasser l’islamisme, il était entré dans le cors des émirs mamelouks, et s’était élevé de degré en degré jusqu’au rang suprême.

En présence des déchiremens qui désolaient l’Égypte, l’occasion eût été favorable pour rétablir le royaume de Jérusalem ; mais les chrétiens de la petite Arménie, qui devaient servir d’avant garde à l’armée franke, étaient en proie à des guerres intestines. Les Tartares de la Perse eux mêmes étaient divisés et hors d’état de fournir un appui efficace ; Le sultan Ladjyn, qui avait besoin d’occuper l’esprit belliqueux de ses émirs, ordonna une invasion dans la petite Armnénie. Aboulféda, alors âgé de vingt quatre ans, concourut à cette expédition avec le prince de Hamat, son cousin. On était dans l’année 697 (1298 de J. C.). Les musulmans pénétrèrent à deux reprises différentes dans la petite Arménie par le passage de Marry ou Portes Amaniennes et par celui d’Alexandrette ou Portes Ciliciennes : tout le pays fût mis à feu et à sang, » et le château de Hamous pris d’assaut. Pendant les opérations du siége de cette forteresse, rendues très fatigantes par des pluies continuelles, le souverain de Hamat tomba malade. Comme ce prince était éloigné de son médecin, Aboulféda, qui au goût des armes avait toujours allié l’amour de l’étude et n’était resté étranger à aucun ordre de connaissances, se chargea de le soigner, et réussi à lui rendre la santé.

Cependant le prince de Hamat mourut à son retour dans cette ville. Ce souverain n’ayant pas laissé d’enfans, le sultan se hâta d’envoyer à Hamat l’émir Kara Sonkor avec la mission d’y exercer l’autorité en son nom. Dès lors cette principauté, qui depuis si long temps était indépendante fut soumise et subit les conditions que Damas, Alep et les autres cités dont les sultans d’Égypte s’étaient emparés.

La division ne cessait néanmoins de régner parmi les émirs égyptiens, et le sultan Malek Alnasser, par la faiblesse de son caractère, était impuissant à les contenir. En 708 (1308 9 de J. C.), il fut obligé, pour la seconde fois, de quitter le Caire, où les émirs le tenaient renfermé, et de se retirer dans la forteresse de Karak, située à l’orient de la mer Morte, sur les limites du désert C’est là qu’éloignés du Caire et de Damas, où s’agitaient les intrigues d’une politique ambitieuse, les princes et les grands déchus du pouvoir venaient chercher un asile ; mais l’année suivante les émirs de Syrie, mécontens de ce qui s’était passé en Égypte, appelèrent Malek Alnasser à Damas, puis le ramenèrent en triomphe au Caire. Aboulféda prit une part active à cette restauration : il accourut de Hamat à Damas pour offrir des présens au sultan ; il lui donna, avec divers objets d’une grande valeur, un de ses mamelouks appelé Thocouz Demir, qui devint peu à peu un personnage considérable à la cour d’Égypte, et qui dans la suite fut accusé d’avoir contribué à la ruine de la famille de son ancien maître. Chaque jour Aboulféda faisait des progrès dans la faveur de son