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en prêtres dont se compose la majeure partie de ce qu’on nomme le clergé haïtien, Soulouque devenait l’empereur très chrétien ou sa majesté très chrétienne.

La constitution de l’empire date du 20 septembre. Le pouvoir impérial y est déclaré héréditaire et transmissible de mâle en mâle, avec faculté pour l’empereur, dans le cas où il n’aurait pas d’héritiers directs (c’est le cas de Soulouque qui n’a que deux filles) d’adopter un de ses neveux ou de désigner son successeur. La formule de promulgation des lois est celle-ci : « Au nom de la nation, nous… par la grace de Dieu et la constitution de l’empire, » ce qui donne à la fois satisfaction aux partisans du droit républicain, à ceux du droit divin et à ceux du droit constitutionnel. La personne de l’empereur est inviolable et sacrée, et la souveraineté réside dans l’universalité des citoyens. L’empereur nomme le sénat, ce qui n’empêche pas le sénat de cumuler des attributions telles qu’il est beaucoup plus souverain que la souveraineté nationale dont il n’émane pas, et plus puissant que l’empereur de droit divin dont il est la créature : ainsi de suite. On voit que la constitution haïtienne n’a rien à envier, sous le rapport de l’absurde, à quelques autres constitutions. La pratique corrige du moins ici les contradictions de la théorie, car il est bien entendu que tout sénateur ou député qui s’aviserait de penser autrement que le pouvoir exécutif serait immédiatement fusillé, ce qui diminue les chances de conflit. Quant aux Haïtiens, ils n’auraient rien à désirer sous le rapport des droits politiques et civils, si la constitution pouvait leur garantir un dernier droit : celui de mourir de mort naturelle.

Le traitement des sénateurs et députés est maintenu à 200 gourdes par mois, soit environ un millier de francs par an au taux courant de la gourde. S’étant un jour enhardis jusqu’à demander une augmentation, peu s’en fallut que sa majesté impériale ne les fit fusiller.

La liste civile est fixée à 150,000 gourdes, ce qui, pour tout autre, signifierait une soixantaine de mille francs, mais ce qui signifie, pour Faustin Ier, 150,000 gourdes d’Espagne ou près de 500,000 francs. C’est là un détail d’interprétation qui n’a même pas été soulevé. Toute proportion de population gardée, Louis-Philippe aurait dû avoir une liste civile de près de 58 millions pour atteindre à la splendeur de Faustin Ier.

L’impératrice a reçu un apanage de 50,000 gourdes. Une somme annuelle de 30,000 gourdes dont l’empereur règle lui-même la répartition, est allouée aux plus proches parens de sa majesté. Soulouque n’a pas encore définitivement arrêté cette liste de parens, car le statut[1] concernant la famille impériale a pour préambule ces mots :

  1. Moniteur haïtien du 3 novembre 1849.