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représentans de l’autorité à formuler des excuses publiques avec accompagnement de salves d’artillerie et d’illumination générale ; mais c’est tout. Jean-Claude et consorts ne lésinent ni sur les excuses, ni sur la poudre, ni sur les lampions, et quelques jours après ils recommencent, certains de l’indulgence obstinée de Soulouque pour tout méfait, coûterait-il à sa vanité les désagrémens les plus cruels, qui ressemble à un excès de dévouement et de zèle. Nous regrettons de dire que le consulat britannique, comme s’il cherchait à se faire un titre de ce contraste auprès du gouvernement haïtien, ne seconde pas toujours, autant qu’il dépendrait de lui, l’énergique persistance que met le nôtre à réagir, dans les réparations qui le concernent, contre ce faible du chef noir. Les marins et les résidens anglais se sont souvent plaints de certains ménagemens hors de saison, et nous croyons savoir que lord Palmerston lui-même verrait pour cette fois de très bon œil ses agens déroger à ce système de bascule, qui est le procédé classique de la chancellerie anglaise en Haïti. Quant au gouvernement français, il s’est récemment exprimé sur les griefs sans cesse renaissans de nos nationaux en des termes qui prouvent son intention bien arrêtée d’y mettre fin une fois pour toutes. Le moyen de répression le plus efficace, selon nous, serait de prendre le gouvernement haïtien par son côté faible, l’argent, et d’exiger à chaque avanie commise contre les résidens européens, non plus seulement la réparation de leurs pertes matérielles, mais encore de véritables dommages-intérêts comme compensation des tracasseries éprouvées par eux ; ceci n’est que de droit commun. Si ce moyen ne réussissait pas, si Faustin Ier aimait mieux payer chaque jour l’amende que de se débarrasser de ses étranges favoris, nous ne voyons pas pourquoi la France et l’Angleterre hésiteraient à couper le mal à sa source, et à exiger impérativement la destitution en masse des bandits officiels à qui Soulouque a livré toute la province du sud. Ceci ne serait pas encore sortir du droit commun, car toute réparation implique de la part de celui qui l’accorde l’engagement d’empêcher, dans la limite de son pouvoir, la reproduction du grief réparé. Or, il est constaté que la canaille galonnée dont il s’agit ici est incorrigible, et il est également hors de doute que, pour mettre, le cas échéant, à la raison ceux des piquets disgraciés qui seraient tentés de recommencer feu Pierre Noir, Soulouque n’aurait pas à dépenser le centième de la brutale énergie qu’il a gratuitement déployée contre leurs victimes. C’est, en effet, beaucoup que d’évaluer à un millier, disséminé sur tout le territoire, le ban et l’arrière-ban des coquins qui prétendent isoler de la race blanche un pays dont le commerce extérieur est l’unique ressource, retiennent par leur influence dans les prisons ou dans l’exil la classe qui servait d’intermédiaire à ce commerce, et alimentent un foyer grandissant de haine, de sauvagerie,