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s’est élevée à la hauteur d’un grand système de gouvernement sans exclusion comme sans faiblesse, conciliant et vigoureux, net dans son action et dans son but. L’Espagne a offert le spectacle d’un peuple qui se défendait et n’avait point la fièvre, chose assez rare en 1848 !

La révolution de février a eu vraiment d’étranges résultats pour l’Espagne et marque tant dans sa politique extérieure que dans sa politique intérieure une phase décisive : au lieu de la montrer satellite obligée de la France ou inclinant vers l’Angleterre, au moment où notre appui lui manquait, elle l’a montrée affranchie au même instant et par une force propre de l’influence des deux pays et de cet antagonisme traditionnel qui était pour elle un perpétuel sujet d’agitations ; elle l’a montrée se soutenant par elle-même, se créant une action distincte de celle de la France et infligeant en même temps à l’Angleterre une des plus rudes leçons diplomatiques, en expulsant son ambassadeur, M. Bulwer, qui avait été trouvé la main dans les émeutes de Madrid et de Séville. N’est-ce point là pour l’Espagne un affranchissement réel de sa politique extérieure dû à une direction intelligente et vigoureuse, affranchissement qu’est venue confirmer la reconnaissance de la royauté d’Isabelle par la plupart des puissances de l’Europe ? Ce qu’il faut ajouter, c’est que l’opinion conservatrice, commandée, qu’on me passe ce terme de guerre, par un homme déterminé, a pu seule donner une telle issue à des difficultés en apparence insolubles.

On connaît la nature et le jeu des partis au-delà des Pyrénées depuis l’origine de la révolution. On sait que chacun d’eux, outre ses doctrines susceptibles d’une application purement intérieure, a ses préférences nettement dessinées dans le choix de ses appuis et de ses alliances au dehors. Le parti modéré, qui est essentiellement monarchique, a toujours incliné vers la France. Le parti progressiste, révolutionnaire au dedans, n’a cessé de s’appuyer au dehors sur l’Angleterre ; — de telle sorte que, dans les diverses périodes de l’histoire contemporaine de nos voisins, là où on a vu le parti modéré sortir vainqueur de la lutte, on a pu dire que l’influence française triomphait ; là où le parti progressiste se rendait maître du pouvoir, l’influence anglaise avait la prépondérance au-delà des Pyrénées. Ce sont là, au premier abord, pour la Péninsule, deux systèmes d’alliances qui se présentent dans des conditions égales. Il y a seulement une différence dans le résultat de ces deux politiques : c’est qu’à un point de vue élevé, indépendamment de cette communauté de fortune qui a semblé exister parfois entre le parti conservateur espagnol et le parti conservateur français, indépendamment des liens qui ont pu se former entre les deux dynasties, l’alliance française représente pour l’Espagne un intérêt permanent, traditionnel, tandis que l’alliance anglaise, indépendamment des combinaisons politiques transitoires, représente