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la puissance qui s’y rattachait avaient déjà disparu. Il imposait l’entrée de son collègue de l’intérieur dans la commission exécutive ; la majorité de l’assemblée, qui s’était crue envoyée à Paris contre M. Ledru-Rollin, le repoussait à une grande majorité dans les bureaux, à une majorité plus faible au scrutin public ; elle lui donna enfin, au scrutin secret, le chiffre nécessaire pour son maintien au pouvoir. Les trois jours d’efforts pour amener cette combinaison suffirent pour épuiser l’ascendant de l’homme qui la faisait prévaloir. On avait réduit la question républicaine à une question de personne ; on avait perdu le droit de se plaindre d’aucune mobilité d’opinion. On n’avait cru qu’au besoin de dictatures ; on avait aliéné en quelques heures la confiance qui les donne : un flux l’avait offerte, un autre flux l’emporta. Il n’y eut dans l’intervalle que le temps d’une démonstration qui demeure acquise à l’histoire : c’est que la majorité n’avait eu d’abord rien à refuser à M. de Lamartine, à M. Garnier-Pagès, à M. Arago, à M. Dupont (de l’Eure), et que ces messieurs n’avaient rien eu à lui demander, rien sinon la consécration de l’antagonisme fatal et impuissant qui avait déjà plusieurs fois, avant la convocation de l’assemblée, mis la France à deux doigts de sa perte !

Ce n’est donc pas la bonne volonté des hommes monarchiques qui a manqué aux premières œuvres de l’assemblée républicaine : c’est la conception républicaine qui fit défaut sur tous les points. Et quand enfin il fallut nommer une commission de constitution, une commission chargée de trouver la forme sociale qui ne serait ni le directoire, ni le consulat, encore moins la terreur, qui se garderait de pencher vers la monarchie sans trop incliner vers l’Amérique, cette commission fut acceptée par les hommes monarchiques, à bien peu de chose près, comme les républicains voulurent la composer, et si parmi les vingt-cinq membres qui sortirent de l’urne figuraient quelques noms du lendemain, c’est que ce nombre dépassait en réalité le personnel disponible des candidats de la veille.

Les différentes fractions de la majorité formèrent plusieurs réunions préparatoires pour discuter ce scrutin. Une de ces réunions, que l’on eût qualifiée de légitimiste dans le vocabulaire des affinées précédentes, eut lieu chez M. le marquis Sauvaire de Barthélemy, et je voudrais, pour unique réponse à tant de détracteurs, que toutes les paroles, sans exception, qui furent prononcées dans ce salon pussent être reproduites et publiées aujourd’hui. La nécessité de faire place au mouvement intellectuel de février y était admise sans contestation ; on y saluait avec une véritable cordialité l’espérance que des entrailles de la nation, si violemment interrogées, sortirait au moins quelque homme ou quelque idée propre à apaiser les discordes et les souffrances. Je ne suis pas confus de ces souvenirs, parce qu’on ne peut