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adversaires de la royauté de juillet à ses fondateurs ; maintenant vous compromettez la monarchie, et nous ne nous associerons ni à vous ni à elle, car elle périra entre vos mains ; vous en gardez trop pour ceux qui n’en veulent plus ; vous en rendez les conditions inadmissibles pour ceux qui la croient nécessaire à la nationalité, à la prospérité française. — Les hommes auxquels on adressait ce langage répliquaient : — Les légitimistes se reposent trop béatement sur la puissance de leur principe ; ils se croient trop dispensés par lui des qualités politiques, essentielles dans le gouvernement des sociétés modernes ; nous possédons ce qui leur manque, nous suppléerons par là à ce qu’ils nous auraient donné.

Je m’arrête sur ce simple énoncé. Ce débat est encore trop récent pour avoir besoin d’être rappelé, trop sensible peut-être encore à quelques-uns pour qu’on n’eût pas l’air de le continuer, alors que l’on se contente de l’enregistrer douloureusement dans nos archives funèbres. Voilà donc dans quel démêlé le parti républicain surprenait les partis monarchiques. Assurément il terminait leur querelle, mais il en recommençait une autre qui les intéressait et qui les menaçait tous les deux. C’était la monarchie en principe et la monarchie en fait, la monarchie de date antique et la monarchie d’origine élective qui étaient confondues dans le même anathème. — La république, s’écriaient les hommes de 1848, s’est présentée jadis avec le cortége de la guerre étrangère et de la guerre civile. Les calamités de cette première époque appartiennent, non à la république elle-même, mais à la coïncidence de ces deux malheurs. Nous n’acceptons pas la réprobation qui pèse sur 93 ; nous vous présentons cette fois l’idée républicaine à l’état pur, et nous interjetons appel devant de nouveaux juges.

Que la France eût assez de force et assez de patience pour prendre la république et les républicains au mot ; qu’elle domptât ses premiers mouvemens et rendît la guerre civile impossible ; qu’en écartant la guerre civile, elle fit évanouir du même coup la guerre étrangère, et l’on allait voir se dérouler l’une des plus imposantes leçons qu’aucun peuple se fût jamais donnée à lui-même. Ce conseil désintéressé émana sans concert préalable de la bouche et du cœur des hommes monarchiques, à quelque nuance qu’ils appartinssent.

Après soixante ans d’une lutte qu’on avait cru trois fois finie et qui s’était trois fois rouverte, la France revenait, par le fait, au point de départ de 89. La nation était consultée, le suffrage reconnu comme un droit et non plus départi exceptionnellement et comme une fonction ; une assemblée constituante ressuscitait, moins le meurtre de Foulon et de Berthier, moins les journées des 5 et 6 octobre. La France, le bonheur et la gloire de la France avaient été entre nos adversaires et nous l’objet de cette guerre de soixante années. La France était mise en demeure de se prononcer de nouveau, à l’abri de toute menace