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détache doucement toutes les particules de terre, lesquelles s’échappent de l’assiette avec le trop plein de l’eau : il ne reste bientôt qu’une petite boule d’argent et de mercure. L’Indien chef d’atelier écrase avec son pouce cette boule sur l’assiette, et, à la couleur, il juge si l’opération est terminée ou non. Si l’échantillon est trop clair, il fait ajouter du mercure ; s’il est couleur de plomb, il fait ajouter de l’eau, et, dans les deux cas, nouveaux piétinemens jusqu’à ce que l’échantillon soit parfait : il faut pour cela qu’il devienne d’une couleur gris-perle.

Ce mélange de terre, d’argent, d’eau et de mercure, est porté ensuite dans un grand bassin entièrement rempli d’eau et vigoureusement remué avec des rateaux de fer. Le fond du bassin est très incliné, et il est percé de deux conduits à ses deux extrémités. Le côté le plus bas s’ouvre sur un canal d’un pied de profondeur et de largeur, dans lequel, à des distances de dix pieds, l’on a pratiqué un trou d’environ huit pouces de diamètre et de profondeur. Le canal et les trous sont également garnis de peaux de mouton. Après un certain temps, on ouvre les deux conduits à la fois ; l’eau du réservoir ou du ruisseau tombe avec force dans le bassin et entraîne avec elle terre argent et mercure. La terre est emportée par le cours de l’eau, et après avoir passé sur tous les trous du canal, où son peu de pesanteur ne lui permet pas de séjourner, elle va, au sortir du canal, se perdre au dehors du séchoir. L’argent et le mercure, étant plus pesans, tombent dans les trous garnis de peaux, d’où on les retire quand le lavage est terminé.

Ce mélange d’argent et de mercure, à la vue et au toucher, rappelle parfaitement la neige ; c’est une agglomération de molécules réunies partie par leur poids, partie par l’affinité chimique. On verse le tout dans un moule de laine dont la forme est absolument celle d’une chausse de liquoriste, et on laisse le mercure égoutter toute la nuit. Cependant la séparation du mercure et de l’argent n’est pas entièrement accomplie : l’espèce de mortier que l’on tire de la chausse de laine est portée au four, où il cuit toute la nuit. Le mercure s’évapore, et le matin il vous reste un magnifique gâteau d’argent que dans le pays on nomme piña (ananas), parce qu’il a la forme pyramidale de ce fruit. La piña est portée au chef-lieu du département de la mine où la loi (aloi, qualité) de l’argent est reconnue et marquée au poinçon sur un des côtés de la piña. Il ne reste plus alors qu’à l’envoyer dans les villes où l’on bat monnaie (La Paz, Cusco, Lima), et où le gouvernement l’achète à raison de 7 piastres et demie le marc. L’exportation des métaux en lingots est prohibée, mais cela n’empêche pas les mineurs de vendre pour l’exportation une partie de ceux qui leur appartiennent, parce qu’ils en retirent de cette façon un plus grand profit.

Le mode d’exploitation que je viens de décrire est celui qui est le