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Le soir du 1er janvier 1849, les députés de la diète et les membres du gouvernement révolutionnaire quittèrent Pesth, laissant dans cette ville le comte Louis Batthyanyi, le comte George Maïlath, l’archevêque Sonovics et M. Deak, chargés d’entrer en pourparlers avec le prince Windischgraetz et de lui porter des propositions de paix. Le 3 janvier, les députés hongrois se rendirent au camp du prince à Bicske. Le prince refusa de recevoir le comte Batthyanyi, et lorsque les trois autres envoyés furent introduits devant lui, il leur dit fièrement ! « Je ne traite pas avec des rebelles ! » nobles paroles que répéta avec enthousiasme l’armée tout entière. Puisqu’on refusait de traiter, on était donc résolu à marcher à l’ennemi, à commencer enfin la guerre, à chercher des batailles décisives. Le même jour cependant où les envoyés hongrois recevaient cette réponse, Georgey et Perczel quittaient Ofen dans la soirée et passaient le Danube. Le premier tourna au nord et prit avec dix-huit mille hommes la route de Waitzen pour se rendre en Haute-Hongrie ; le second se dirigea vers l’est, sur Szolnok, avec dix mille hommes, et y passa la Theiss.

Le 5 janvier, notre armée, de son côté, entrait à Pesth, où les trois corps réunis allaient rester dans l’inaction, jouissant largement des délices de cette nouvelle Capoue. Le pays que nous venions de traverser fut organisé militairement. On sembla espérer qu’il suffirait de quelques décrets pour pacifier le reste de la Hongrie, et que les Hongrois allaient déposer les armes sans combat. Pendant qu’on perdait ainsi du temps, les chefs de la révolte rassemblaient leurs forces derrière la Theiss. On fabriquait des armes, on réunissait d’immenses magasins à Grosswardein et à Debreczin. Quant à Kossuth, il créait des millions. Dès le commencement de la guerre, le gouvernement révolutionnaire avait, sur la proposition de Kossuth, alors ministre des finances, décrété l’émission de billets de banque hongrois. Lors de l’entrée de l’armée autrichienne à Pesth, il y en avait déjà en circulation pour des sommes considérables, et ces billets conservaient toute leur valeur nominale. Pour ne pas mécontenter les Hongrois et tous ceux dans les mains desquels ces billets étaient passés, une commission impériale, réunie à Ofen, donna à leur cours une sanction légale, et ordonna qu’ils seraient acceptés par les receveurs impériaux. Nos officiers, qui recevaient partout ces billets, devinrent ainsi, par une singulière contradiction, les émetteurs du papier-Kossuth, et intéressés, pour ainsi dire, à maintenir en valeur ces billets qui payaient les coups qu’on leur portait. Kossuth ne tomba pas dans la même erreur ; il décréta pour toute la Hongrie la non-valeur des billets de banque autrichiens, défendit de les accepter, et ordonna de venir les échanger aux caisses du gouvernement révolutionnaire contre des billets qui portaient sa signature. Toute la nation enthousiaste et crédule s’empressant de lui