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abandonner. L’ordre général d’attaque était habilement conçu : pendant que le prince allait marcher sur la route directe par Hochstrass avec le corps de réserve contre le front des Hongrois, le corps du ban, les tournant par le sud dans le flanc gauche, devait les rejeter sur le second corps. S’avançant par Dunaszeg et Vamos, le second corps passerait, pendant la nuit du 27 au 28, le bras du Danube appelé le Petit-Danube, à deux lieues en arrière de Raab, pour prendre position à la hauteur de Saint-Ivany, et arrêter, jusqu’à l’arrivée des deux autres corps, les troupes de Georgey, complètement tournées sur leur gauche par la marche du ban et contraintes ainsi d’abandonner Raab. Si les détails du plan général eussent été exécutés avec autant d’habileté qu’ils avaient été conçus, Georgey, séparé du renfort que Perczel lui amenait du sud de la Hongrie, se serait trouvé pris entre trois corps d’armée ; mais de fatales circonstances contrarièrent nos mouvemens. Le ban arriva le 27 dans l’après-midi, après une marche difficile et dangereuse, devant Raab ; mais le second corps, qui aurait dû se porter à deux lieues en arrière de cette ville, sur la route par laquelle les Hongrois allaient être forcés de se retirer, ne put s’avancer que jusqu’à la hauteur de Raab ; et, pendant qu’arrêté par les mauvais chemins, il perdait un temps considérable en alignemens, marches et contre-marches sur la rive gauche du Petit-Danube, Georgey défilait lentement par la route d’Ofen, le long de la rive droite, avec toutes ses troupes. C’est ainsi que des obstacles de toute sorte venaient souvent arrêter nos troupes pendant la première partie de cette campagne. Quelquefois aussi une funeste circonspection nous fit manquer un succès assuré et bien calculé, parce que, dans nos mouvemens combinés, les troupes isolées craignaient, en engageant le combat, de n’être pas soutenues à temps et d’attirer sur elles tout le feu de l’ennemi. Partout et toujours cependant, cette préoccupation fut étrangère aux troupes que commandaient le ban, le comte Schlick, le prince Liechtenstein, le comte Clam et quelques autres généraux ; partout ces chefs, sans craindre de se voir écrasés seuls par les forces réunies des Hongrois, engagèrent le combat, comptant sur la fortune qui protège les hommes de cœur.

Nous quittâmes Szent-Miklos le 25 au soir, passâmes la Raabnitz et arrivâmes pendant la nuit à Sövenyhazu ; le froid redoublait, mais nous avions du bois de chêne en abondance. Les officiers et les soldats se blottissaient les uns contre les autres autour de vastes feux protégés tant bien que mal contre le vent et allumés presque toujours dans les endroits les mieux abrités. Lorsque la nuit arrivait, les officiers d’état-major, après avoir écrit les ordres pour la journée du lendemain, s’étendaient sur la paille, roulés dans leurs manteaux ; mais l’heure du repos n’était pas encore venue pour les officiers du ban : c’était, au contraire, un rude et périlleux service qui commençait pour eux,