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semble aujourd’hui la lui ôter moins que jamais : on ne saurait donc affirmer que l’occasion de conflit ne se retrouvera plus pour avoir une fois avorté ; mais outre que l’avortement est le terme ordinaire et naturel des plus violens efforts de ce temps-ci, on peut dire, dans la circonstance particulière, que, lorsqu’on s’est rencontré d’aussi près que l’ont fait la Prusse et l’Autriche en avant de Fulda et qu’on a gagné sur soi de ne point ouvrir le feu, il y a tout à parier qu’on n’y reviendra point. Voilà pour nous le principal, et c’est ce qui a été dit à Olmütz aussi clairement que possible.

Ce qu’on va donc maintenant discuter dans les conférences de Dresde, ce ne sont plus les conditions de la paix, puisqu’on a résolu de n’avoir point la guerre : c’est l’éternel chapitre des institutions fédérales, c’est la future ordonnance de la patrie allemande, ou, sous ce mot-là, parlons plus franchement, c’est la part de prépondérance que chacun des deux états directeurs a l’intention de se réserver sur la masse des états germaniques. Or, la domination est chose qui ne se partage guère de gré à gré ; tant qu’il n’y a point positivement un plus fort qui la tire tout à lui et s’en empare pour son compte exclusif, on ne fait que se neutraliser l’un par l’autre et se tenir en échec sans pouvoir avancer, témoin notamment l’histoire de cet interim du 30 septembre 1849 dont les conférences de Dresde doivent peut-être nous donner tout uniment une seconde édition.

L’interim était, si l’on s’en souvient, un gouvernement provisoire qui voulut, après plusieurs autres et sans plus de succès, établir une autorité générale sur le corps germanique ; seulement celui-ci, à la différence de ceux qui l’avaient précédé, Devisait plus à fonder cette autorité sur un principe unitaire qui, décidément, n’avait point d’être réel en Allemagne. Il acceptait la position telle qu’elle était, il reconnaissait et sanctionnait le dualisme de l’Autriche et de la Prusse, en les appelant toutes deux à l’exercice d’une suprématie commune. Grace à cette invention, qui n’eut point d’ailleurs d’autre effet, on en finissait du moins avec les rêves d’unité, et l’on entrait dans une phase nouvelle ; on ne cherchait plus à ranger l’empire sous un seul chef ; on cherchait à faire vivre ensemble les deux qu’on était obligé de lui donner, faute d’en pouvoir supprimer un ; c’était aussi malaisé. Les Allemands ont une façon beaucoup plus courte d’exprimer tout cela ; ils parlent le langage de la métaphysique, même en matière politique, et leur conduite, soit dit en passant, s’explique un peu par leur langage. En cette langue donc, il est admis que l’interim du 30 septembre 1849 substitue définitivement le règne du dualisme à celui de l’unitarisme, qui avait commencé avec l’ère révolutionnaire.

Le dualisme a depuis lors constamment gagné ; il s’est prononcé de plus en plus, et la division, cachée d’abord sous les dehors accommodans de l’interim a bientôt éclaté. L’interim à bout, l’Autriche s’est autorisée de sa dignité d’autrefois pour convoquer l’ancienne diète de Francfort et la ressusciter à deux reprises, soit comme assemblée plénière, soit comme conseil exécutif. En face de cette restauration qui rendait une base plus large à l’influence autrichienne, la Prusse a voulu garder la base distincte qu’elle s’était créée par le nouveau pacte fédéral émané de son initiative le 26 mai 1849. Le dualisme ne pouvait en rester long-temps à cette concurrence purement théorique entre deux constitutions. Les défenseurs du nouveau pacte proposé par la Prusse à ses alliés, il est vrai chaque jour plus rares, soutenaient sérieusement que la diète de 1815