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qui s’appelle anglo-catholique, M. Denison, écrit aussi en parlant de l’agitation soulevée contre Rome : « On voudrait nous faire oublier que nous avons intra muros un ennemi plus acharné et beaucoup plus dangereux que Rome. Rome n’est que secondaire dans la guerre que soutient aujourd’hui l’église d’Angleterre ; son premier et plus grand ennemi, c’est le latitudinarisme de l’état. Le plus grave des maux contre lesquels elle a à combattre, c’est la tendance continuelle de l’état à la dépouiller pièce à pièce de son caractère catholique. »

Enfin, l’organe du parti, le Churchman, disait : « Nous soutenons que lord John Russell est un ennemi plus dangereux que le pape, par la raison que le latitudinarisme est plus en rapport avec les mauvais penchans de notre époque que le papisme. Le pape est un homme professant une certaine religion définie, une religion erronée, il est vrai, mais enfin une religion. Lord John Russell est, nous ne dirons pas un homme sans religion, mais un homme qui n’a aucune religion particulière. »

Nous avons multiplié ces citations afin de montrer, par des témoignages positifs et officiels, quelle était la situation de l’église anglaise vis-à-vis de l’église romaine. Dans notre humble opinion, peut-être aurait-il mieux valu laisser l’église d’Angleterre continuer la lutte qu’elle avait engagée contre le pouvoir temporel. Sa cause était celle du pouvoir spirituel, celle des églises. La cour de Rome en a jugé autrement ; elle a jugé que le moment était venu de frapper un grand coup, que le fruit était mûr, et qu’il était temps de le cueillir. Elle doit être meilleur juge que nous ne pouvons l’être.

Désormais l’église d’Angleterre ne peut plus conserver cette position intermédiaire et parlementaire dans laquelle elle s’était tenue jusqu’à présent. Elle était, pour ainsi dire, sur une pointe d’aiguille ou sur le tranchant d’une lame : le brusque choc parti de Rome la fera tomber à droite ou à gauche. Les uns se jetteront dans l’affirmation, les autres dans la négation, ceux-ci dans le catholicisme, ceux-là dans le rationalisme ; mais l’équilibre dans le domaine spirituel est détruit par cette secousse, comme il l’a été dans le monde politique par la révolution de 1848.


JOHN LEMOINNE.