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Il est intéressant de voir les efforts que font les évêques et le parti orthodoxe pour se maintenir dans cette espèce d’équilibre qu’ils avaient déjà tant de peine à conserver. S’ils refusent de reconnaître la suprématie tyrannique de l’état, ils ne veulent pas non plus accepter l’autocratie de l’église de Rome ; ils revendiquent pour l’église d’Angleterre la qualité inaliénable d’église légitime et directement descendue des apôtres. Ainsi nous voyons, dans une protestation proposée par l’évêque d’Oxford et votée par son clergé, la déclaration suivante : « Nous déclarons que l’église reconnue par la loi dans ce royaume est l’ancienne église catholique, possédant l’ancienne foi, les vrais sacremens, et un clergé légitime ; que ses évêques et son clergé sont les évêques et le clergé venant par une suite non interrompue des saints apôtres ; que les envoyés de l’évêque de Rome dans ce pays, qui cherchent à détacher le peuple de la communion de l’église d’Angleterre, sont des intrus et des schismatiques… Nous déclarons que nous croyons que notre protestation serait approuvée par le jugement de l’église universelle, s’il y avait quelque moyen de recueillir ce jugement. »

Écoutons aussi l’évêque de Londres, qui disait dans sa lettre pastorale, après avoir protesté contre la bulle : « Mais en même temps que nous regardons les dangers qui nous menacent d’un côté, ne fermons pas les yeux sur ceux qui nous pressent de l’autre. Par le principe naturel d’antagonisme qui existe dans l’esprit humain, il est probable que quelques-uns de ceux qui fuient loin du papisme traverseront le diamètre entier de la sphère de la raison, et iront aborder aux antipodes de l’incrédulité. Je ne puis m’empêcher de croire que nous avons plus encore à craindre de la théologie de l’Allemagne que de celle de Rome, de celle qui déifie la raison humaine que de celle qui veut l’aveugler. Cette théologie dont je parle est sortie de l’idéalisme des philosophes allemands. Elle a montré quelques symptômes de décadence sur son sol natal, mais je crains qu’elle ne commence à s’emparer de l’esprit plus pratique de notre pays, et, pour ma part, je la crois plus dangereuse que la tentative de ressusciter des superstitions usées. L’évidence morale, les témoignages historiques, l’inspiration, les miracles, tout ce qui est objectif dans le christianisme est effacé par les écrivains de cette école, et les eaux vives de la religion perdent toute leur vertu curative par la distillation qu’elles subissent dans l’alambic du rationalisme… Quelle leçon devons-nous tirer de la situation actuelle de notre église ? C’est que, placés entre des dangers opposés, d’un côté la superstition et la tyrannie, de l’autre le rationalisme avec son cortège d’incrédulité et de panthéisme, il faut que nous mettions un terme à nos divisions intérieures. »

Un ministre de l’église, très influent dans cette portion du clergé