Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couronne le pouvoir de juger en appel les questions de doctrine et de discipline dont la garde a été confiée à l’église seule par la loi du Christ.

Toutefois des protestations isolées ne suffisaient pas pour rétablir l’autorité de l’église. Il fallait que l’église elle-même intervînt par ses organes officiels, par ses chefs hiérarchiques. Les évêques se concertèrent, et, en leur nom, l’évêque de Londres porta devant la chambre des lords un projet de loi qui avait pour objet la création d’une nouvelle cour d’appel en matières doctrinales. Cette cour aurait été composée du lord chancelier, des deux archevêques de Cantorbéry et d’York, de trois évêques, de quatre professeurs de théologie, et de deux juges de la Cour ecclésiastique des Arches.

La discussion qui s’ouvrit alors dans la chambre des lords fut une des plus graves et en même temps des plus passionnées qu’ait jamais vues le parlement anglais. Nous en reproduirons de nombreux passages, qui auront nécessairement plus d’autorité que tout ce que nous pourrions dire. On y voit non-seulement la lutte du pouvoir spirituel avec le pouvoir temporel, mais aussi les déchiremens intérieur de l’église anglaise, éclatant au grand jour par le schisme des évêques. Ces débats, comme le disait l’évêque de Londres, intéressaient non-seulement la paix actuelle de l’église, mais son existence future, et la tranquillité même du royaume.

Un des objets, l’objet le plus important du bill présenté par l’évêque de Londres, était de rendre la décision du tribunal ecclésiastique obligatoire pour la couronne elle-même. C’était, disait-on, créer un pouvoir législatif nouveau, avant la faculté de créer des doctrines nouvelles ; mais, répondait l’évêque, on ne proposait pas de donner au nouveau tribunal plus de pouvoir que n’en avait l’ancien, et, si un tribunal quelconque avait la faculté de déterminer des points de doctrine, assurément les évêques devaient être plus compétens en cette matière que des juges laïques. « Quant à moi, disait lord Stanley, si j’avais à choisir entre les deux pour la décision de ce qu’il faut croire, certainement je m’en rapporterais mieux aux membres de l’église, qui sont ses directeurs spirituels et reconnus, qu’à des hommes qui peuvent n’être pas même des membres de cette église. » L’évêque de Londres, en achevant le développement de sa proposition, fut tellement ému, qu’il fut obligé de s’arrêter. Lord Lansdowne, au nom du gouvernement, au nom du pouvoir temporel, s’exprima aussi avec une vivacité qui fut remarquée comme étant tout-à-fait étrangère à ses habitudes conciliantes. Il posa nettement la question de la suprématie ecclésiastique de la couronne, et il dit : « Je dois le déclarer formellement et distinctement, cette mesure est, selon moi, une atteinte directe à la prérogative de sa majesté ; elle établit pour la première fois