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définitive de l’église romaine et de l’église anglaise, rupture qui n’avait pas encore été formellement consommée depuis la réformation.

Une grande partie du clergé anglican, principalement le jeune clergé, élevé depuis une dizaine d’années dans les doctrines de l’école d’Oxford, a toujours soutenu que l’église de Rome, en se résignant à rester en Angleterre sur le pied des autres communions dissidentes, reconnaissait virtuellement, tout en niant théoriquement, la validité des ordres de l’église d’Angleterre. Selon cette opinion, les sièges épiscopaux, fondés en Angleterre par Grégoire Ier, ont eu depuis ce temps jusqu’au nôtre une succession non interrompue, et l’église de Rome ne les avait jamais déclarés vacans et n’y avait jamais nommé directement des évêques. Dernièrement encore, et après la publication de la bulle, l’évêque d’Oxford disait : « Il est pénible pour moi d’être obligé de parler durement de l’église de Rome. Je me rappelle et vous vous rappelez aussi en quel honneur l’église de Rome était tenue par l’église primitive. Je me rappelle et vous vous rappelez que nos ancêtres saxons contractèrent une dette de profonde gratitude envers cette église qui leur avait envoyé ses missionnaires dans les temps de leur paganisme, et avait propagé chez eux la bonne nouvelle de l’Évangile. » Cette sorte de tendresse fraternelle, sinon de vénération filiale, pour l’église romaine, était partagée par beaucoup de membres de la communion anglaise qui n’avaient jamais perdu l’espoir d’un rapprochement. Aussitôt après la réformation, les catholiques romains anglais avaient désiré avoir parmi eux un évêque de leur communion ; la cour de Rome le leur avait refusé, parce qu’elle espérait que la rupture ne serait pas définitive et qu’elle ne voulait pas fermer la porte à une réconciliation. Pendant long-temps même, assure l’évêque d’Oxford, elle ne voulut pas nommer des vicaires apostoliques, et n’envoya en Angleterre qu’un archi-prêtre. Le saint-siège ne portait aucun jugement absolu sur l’église anglaise : il disait seulement qu’elle était, quant au présent, à l’état schismatique ; mais, comme il était obligé de pourvoir aux nécessités spirituelles de ceux qui relevaient de lui, il envoyait des vicaires apostoliques pour régler l’état anormal des catholiques romains en Angleterre. Cependant ce n’était pas une agression contre l’église d’Angleterre, ce n’était pas une prise de possession du territoire, ni une déclaration que l’église anglaise avait cessé d’être une église.

Mais, par la nouvelle organisation hiérarchique de l’église romaine en Angleterre, le pape a complètement changé cette position respective des deux églises. Il fait absolument abstraction de l’église anglaise ; il la traite comme une chose qui n’existe pas ; il l’ignore. Dans sa lettre apostolique, il se contente de déclarer qu’il juge le temps venu de rendre à l’Angleterre la forme épiscopale ordinaire de gouvernement ;