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avons annoncé, c’est quand le pape est, comme souverain temporel, désarmé, abattu et impuissant, c’est quand son trône, sa vie même, ne sont protégés que par des armes étrangères, c’est le moment qu’il choisit pour affirmer et pour exercer la plénitude de son pouvoir spirituel, et pour tracer paisiblement des divisions et des frontières sur la carte de l’un des plus grands empires du monde.

Les protestans anglais n’ont point voulu comprendre ce caractère essentiel de la puissance du pape. Ils se sont montrés profondément offensés qu’un petit prince, hier fugitif et proscrit, aujourd’hui gardé dans son palais par des sentinelles françaises, eût l’audace de traiter l’Angleterre comme une province, et ils ont formellement exprimé la menace de répondre au pape en lui renvoyant Mazzini pour faire des révolutions à Rome. C’était précisément mettre en relief le côté invulnérable de la papauté. Admettant même que l’armée française abandonnât Rome à son sort, que le pape fût de nouveau renversé de son trône et obligé d’aller chercher un refuge à l’autre bout du monde, ce roi sans couronne, ce souverain sans royaume, n’en serait pas moins le chef de tous les catholiques du globe et même de l’Angleterre, et il continuerait à exercer son autorité sur tous les fidèles de tous les pays d’une manière aussi absolue que s’il siégeait encore au Vatican.

Voilà ce que le gouvernement et le parlement anglais devront bien se dire avant de chercher à prendre, soit contre le pape, soit contre les évêques, des mesures répressives. Ils ont affaire à un pouvoir qui est au-dessus d’eux parce qu’il est en dehors d’eux. Il n’y a qu’une manière de traiter avec la cour de Rome, c’est par concordat ; or, l’Angleterre n’a jamais voulu reconnaître même l’existence du pape. En plusieurs occasions, le gouvernement anglais a compris combien il était dangereux de nier la réalité d’un pouvoir qui exerçait sur douze millions de sujets britanniques une influence souveraine ; mais la dernière fois encore qu’il a été question de renouer des relations diplomatiques avec Rome, le parlement a eu la puérilité de refuser au saint-père jusqu’à son titre de pape. Lors donc que le gouvernement de la reine d’Angleterre se plaint que le pape ait érigé des diocèses sur le territoire anglais sans lui en demander la permission, le pape peut lui répondre qu’il n’a pas même l’honneur d’être connu de sa majesté, qui a déclaré qu’il était un mythe. Il y a eu un temps où lord John Russell, qui se montre aujourd’hui si offensé, avait des idées plus raisonnables. C’est ainsi qu’il disait au mois d’août 1848 : « Quant à ce qui regarde l’autorité spirituelle, je dirai qu’on ne peut obtenir aucun contrôle sur celle du pape que par un arrangement. Ou bien il faut que vous donniez certains avantages à la religion catholique, en demandant au pape certains avantages en retour, et en stipulant, par exemple, qu’il