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prestige des siècles, avaient fait de Napoléon un prince possible, ce fils de ses œuvre s, sacré par la gloire et la reconnaissance publique, devenait en France le représentant naturel et pour ainsi dire nécessaire de l’idée monarchique. Lui seul en effet était alors en mesure de relever ce trône dont la chute avait laissé dans les ames un vide immense, en donnant aux innombrables intérêts créés par la révolution la plus puissante des garanties. Napoléon, n’étant d’ailleurs pour personne le chef d’un parti, apparaissait aux yeux de tous comme le symbole de la grande unité qu’il avait sauvée, et l’assentiment à la fois enthousiaste et réfléchi de tout un peuple conférait à la nouvelle royauté la plus haute sanction qu’une institution politique puisse recevoir en ce monde.

La France répétait à l’empereur les mêmes vœux qu’elle adressait naguère au premier consul. À la veille de subir les étreintes du despotisme militaire, elle croyait placer sous l’égide de l’hérédité une politique pacifique et libérale. Ce qu’elle demandait au vainqueur de Marengo, comme elle l’a demandé depuis aux deux branches de la maison de Bourbon, c’était cette monarchie constitutionnelle dont on la dirait à la fois et incapable de se servir et incapable de se passer. Sur ce point les témoignages abondent, et pour défendre mon pays d’un reproche de mobilité beaucoup plus spécieux que bien fondé, je demande la permission d’en rappeler quelques-uns. On verra s’il est allé au-devant de l’arbitraire, et si c’est volontairement que la nation a abdiqué aux mains d’un chef sa part d’intervention dans les actes de son gouvernement.

En adoptant la proposition de celui de ses membres qui avait demandé l’élévation du premier consul au trône impérial et la transmission héréditaire du pouvoir dans sa famille, le tribunat s’exprimait ainsi[1] « Considérant qu’à l’époque de la révolution où la volonté nationale put se manifester avec le plus de liberté, le vœu général se prononça pour l’unité individuelle dans le pouvoir suprême et pour l’hérédité de ce pouvoir ; qu’en déclarant l’hérédité de cette magistrature on se conforme à la fois à l’exemple de tous les grands états anciens et modernes et au premier vœu que la nation exprima en 1789 ; que la France conservera tous les avantages de la révolution par le choix d’une dynastie aussi intéressée à les maintenir que l’ancienne le serait à les détruire ; que la France doit attendre de la famille de Bonaparte plus que d’aucune autre le maintien des droits et de la liberté du peuple qui la choisit et toutes les institutions propres à les garantir ; que, faisant dans l’organisation des autorités constituées les modifications que pourra exiger l’établissement du pouvoir héréditaire, l’égalité, la liberté, les

  1. 3 mai 1804.