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De ce qu’il ne s’est ainsi rencontré personne pour recueillir I’héritage des whigs, il ne s’ensuit pas qu’ils n’aient plus qu’à savourer en paix cette singulière bonne fortune. Il n’y a rien de moins dans les ennuis qui les assiégeaient avant leur chute et leur résurrection. Aujourd’hui justement viendra la seconde lecture du bill des titres ecclésiastiques, et sir George Grey n’a pas été précisément bien reçu par la chambre quand il a dû lui annoncer quelles étaient les modifications que le ministère se proposait de réclamer lui-même pour un acte qui avait obtenu à la première lecture une si triomphante majorité. Réduire toutes les mesures qu’on avait promises avec un appareil si menaçant contre l’agression papale, à quoi maintenant ? à la simple interdiction de titres qui sont déjà portés impunément en Irlande, quoiqu’ils aient déjà été interdits, c’est reconnaître une impuissance qu’il eût été digne de l’esprit whig d’avouer plus tôt, l’impuissance d’un siècle de tolérance et de liberté à exercer quelque répression que ce soit dans le domaine des consciences. Mais battre ainsi, en retraite sur ce terrain où l’on avait allumé le feu des dissidences religieuses, est-ce le moyen de garder avec soi les protestans de la vieille souche ? Ce n’est pas davantage la garantie d’une conciliation quelconque avec les Irlandais. Lord John Russell s’est attiré là d’implacables rancunes, le fils d’O’Connell en a presque aussitôt subi le contre-coup. Pour n’avoir pas voulu se séparer, en cette occasion, d’un ministère qu’il considérait comme le bienfaiteur de l’Irlande et qui certainement du moins ne nuisait pas à sa famille, il a été sommé par ses électeurs de Limerick d’avoir à quitter le siége qu’il tenait d’eux au parlement. Ce fameux rappel de l’union pour lequel le fils du grand agitateur continuait de prêcher, quoique dans le désert, a décidément succombé sous la même atteinte. Le champion héréditaire de cette farce patriotique si habilement inventée par le vieux Dan a donné sa démission tout ensemble et de son emploi de repealer et de son mandat de député. Il est probable que M O’Connell n’aura pas été fâché de trouver cette porte de sortie pour passer de la vie politique, dans les fonctions rétribuées, la rente du rappel ayant si fort baissé depuis long-temps que le prêtre ne pouvait plus vivre de l’autel ; mais il n’en est pas moins curieux de voir la prétendue cause nationale de l’Irlande s’abîmer ainsi dans le discrédit où la rejette l’ardeur des passions catholiques qu’on avait jusqu’ici sollicitées ou’ exploitées à son bénéfice. À plus forte raison ces passions ne sauraient-elles pardonner au ministre anglais. « Il y a milord, écrivait l’archevêque de Tuam, le docteur Mac Hale, il y a toute une notable portion de vos adhérens parlementaires de qui vous devez être et vous serez abandonné. Ne supposez pas que les membres irlandais puissent se dégrader et perdre tout sentiment au point de soutenir désormais le persécuteur avoué de leur foi. » C’est ainsi que lord John Russell, après s’être à jamais aliéné les catholiques en présentant son bill, va s’aliéner les anti-papistes en le retirant.

Encore n’est-il pas là au bout de sa peine. Le 21 de ce mois, le chancelier de l’Échiquier, sir Charles Wood, doit exposer au parlement ce qu’il entend faire à présent des excédans de son budget, et affronter ainsi de nouveau l’orage qui s’est déclaré au seul aperçu de son premier projet de répartition. Le 2 avril, ce sera le seconde lecture du bill de réforme électorale sur lequel M. Locke King a battu le ministère, malgré les engagemens réformistes que lord John Russell avait cru devoir prendre pour l’avenir. Ces engagemens suffiront-ils