Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/1145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propres officiers ne me témoignent plus les mêmes égards et que mes mandarins me refusent obéissance ? Ne m’ont-ils pas laissé seul au milieu d’un banquet pour. aller se prosterner aux pieds de ce vagabond ? Ma voix a-t-elle pu les arrêter ? Encore une fois cet homme me ravit l’affection de mes sujets ! – Et comme sa mère le suppliait de faire grace au vieillard : — Je vous en conjure, reprit-il, n’écoutez pas les vains propos de ces femmes : cet homme doit périr.

Sun-tsé, en quittant sa mère, alla dire aux geôliers de faire sortir le magicien de sa prison. Ceux-ci avaient dégagé le vieillard de sa cangue et délié les chaînes qui chargeaient ses pieds et ses mains car ils le traitaient avec le respect et la tendresse qu’ils eussent témoignés à un père. Cette particularité ne fut pas ignorée du prince, il châtia sévèrement ces geôliers trop sensibles et jugea qu’il était temps d’en finir avec un si étrange prisonnier. Les paroles de sa mère qu’il vénérait, — la piété filiale est la grande vertu des Chinois, — n’avaient rien pu sur lui ; la requête que lui présentèrent collectivement ses mandarins n’eut d’autre effet que de le confirmer dans son dessein.

— Vous êtes versés dans la connaissance des livres anciens, dit-il aux mandarins ; vous savez donc tous quel a été le sort des empereurs et des rois assez fous pour prêter l’oreille aux vaines rêveries de ces fourbes qui prétendent avoir des relations avec les esprits supérieurs ; est-ce bien à vous de donner aux populations de si dangereux exemples ? Cet homme, je vous le répète, a déjà sa place marquée parmi les génies malfaisans ; cessez de signer des requêtes en sa faveur, de promener au bas d’un placet votre pinceau fleuri, car, je le répète, je ferai tomber la tête de ce sorcier !

— Sire, lui dit un conseiller, je sais pertinemment que ce divin docteur a le pouvoir de faire souffler le vent et tomber la pluie au gré de ses prières. Une longue sécheresse désole vos états ; daignez lui ordonner de demander au ciel les eaux bienfaisantes dont les récoltes ont si grand besoin ; s’il réussit, sa grace sera la récompense du service qu’il vous aura rendu.

— Soit, répliqua Sun-tsé que commençaient à fatiguer ces sollicitations réitérées ; soit, je verrai au moins ce que sait faire cet imposteur.

Aussitôt les mandarins courent à la prison ; une seconde fois le divin docteur est délivré de ses fers et de sa cangue. Il arrive, calme et serein, sur la grande place ; son regard souriant ne dénote ni inquiétude, ni rancune, ni colère ; sa démarche est assurée ; seulement le poids de la cange a fatigué son cou, et sa tête penche en avant. Il change de vêtement, fait des ablutions en murmurant quelques prières, puis se tournant vers les mandarins : « Je demande au ciel une pluie salutaire qui sauve le peuple de la famine, dit-il à demi-voix ; cette pluie couvrira