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l’avenir du Brésil ; nous ne citerons à ce propos qu’un fait : les Portugais qui, après l’indépendance, sont toujours restés les véritables et presque les seuls maîtres du commerce brésilien, ont l’habitude de faire venir de leur pays de petits commis qu’ils paient à peine et qui, pour eux, ont l’avantage immense de ne pas être astreints aux mêmes devoirs que les nationaux ; ils ne prennent donc jamais d’employés brésiliens, et leurs maisons, à leur mort ou quand ils se retirent des affaires, passent invariablement entre les mains de ces commis de leur nation. Pour obvier à cet inconvénient, le gouvernement a voulu établir un impôt sur les employés étrangers, mais la France a opposé à cette mesure le texte de ses articles perpétuels, et force a été au Brésil de continuer à subir, sur ce point, son déplorable statu quo. La France pourrait, en sacrifiant ces articles qui n’ont pas un intérêt capital pour elle, obtenir un nouveau traité de commerce avantageux que nous en sommes certain, le Brésil, à cette condition, ne refuserait pas de signer.

Il faudrait en outre que cette nation pût protéger plus efficacement sa marine marchande, qu’elle ne reculât devant aucun sacrifice, pour améliorer et accroître ses produits agricoles, qu’elle mît tout en œuvre enfin pour réussir à se faire connaître en Europe sous son véritable jour, et qu’une fois pour toutes, elle renonçât à cette multitude de petites intrigues politiques qui l’empêchent de suivre un système, sage et déterminé, et font le plus grand tort à son agriculture, à son industrie, à tout ce qui, en un mot, constitue dans notre siècle le véritable progrès. Le peuple brésilien est un peu travaillé de la maladie des générations modernes qui sont entrées dans leur ère d’indépendance et de liberté ; tout le monde, dans le pays, veut exercer une profession libérale ou remplir des fonctions du gouvernement ; et cependant ; non-seulement le sol demande des bras mais il a encore besoin de têtes intelligentes pour diriger les améliorations qui se préparent dans l’avenir, et pour surveiller l’exploitation des richesses dont les immenses filons sillonnent en tous sens cette admirable contrée. L’avenir du Brésil repose dans son agriculture, dans son commerce, dans sa marine marchande, qui ne compte que 751 navires généralement employés au cabotage. Une marine à vapeur respectable pourrait surtout lui devenir d’une grande utilité et produire presque immédiatement d’immenses résultats, en facilitant les communications de la capitale, avec les provinces, les bâtimens à voile se trouvant bien des fois entravés dans leur marche par les vents alizés. Il existe, il est vrai, au Brésil un service régulier, de steamers, mais il est combiné sur une échelle si restreinte qu’on ne saurait espérer d’y voir jamais un véhicule efficace pour le développement de son commerce et de son agriculture. Avec une marine à vapeur bien organisée pour le service des côtes, on en viendrait bientôt à remonter tous les fleuves navigables qui se déchargent en grand nombre dans l’Atlantique, et, au moyen de quelques canaux sagement combinés entre les différentes rivières, au moyen de quelques routes tracées convenablement pour unir les principaux centres de population, on ne tarderait pas à se frayer un accès dans les profondeurs du pays où restent enfouis d’immenses trésors agricoles.

Malgré tant d’obstacles inhérens les uns au sol, les autres à l’esprit même des habitans les relations commerciales du Brésil s’étendent d’année en année. En 1845, 878 navires de long cours entraient dans le port de Rio de Janeiro