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des connaissances historiques et scientifiques aussi étendues que variées. Le caractère calme et réfléchi du jeune souverain le préparait merveilleusement au rôle difficile qu’il était appelé à jouer au milieu des luttes passionnées qui allaient marquer au Brésil les débuts de l’ère constitutionnelle. Le prince devait rester, impartial, en dépit de tous les efforts qui autour de lui ne tendaient à rien moins qu’à rompre l’unité brésilienne : l’empereur savait combien il eut été dangereux pour lui, et pour le pays surtout, d’accueillir favorablement certaines idées avancées, d’embrasser avec trop de chaleur certaines opinions aventureuses, qui, si, elles avaient triomphé, eussent conduit en quelques années le Brésil à sa ruine. Au milieu d’une société qui en est encore à s’organiser, c’est de l’habileté seule et de l’intelligence du chef qu’il dépend de rendre la nation une et forte, tandis qu’il suffirait de son incapacité et de sa faiblesse pour la dissoudre et la faire tomber en poussière, en laissant chaque province s’ériger en état indépendant. Aussi peut-on affirmer que, sous un prince moins sage que l’empereur actuel, le Brésil se serait transformé rapidement en un vaste foyer de lutte et de discorde.

Les ministres d’état du Brésil sont tous responsables, et il n’y en a que six. Le ministre de l’empire est chargé de l’instruction publique, de l’intérieur et des travaux publics ; ceux des affaires étrangères, de la guerre et de la marine ne dirigent que leurs départemens ; celui des finances s’occupe, en outre, de tout ce qui a trait au commerce ; enfin le ministre de la justice a encore sous sa direction tout ce qui concerne le culte. Bien des hommes d’état se sont succédé dans ces divers postes depuis la proclamation de l’indépendance. Les Brésiliens ont vu passer successivement au pouvoir tous les hommes éminens des partis qui se divisent la nation. Deux partis, à vrai dire, y sont seuls en présence : c’est d’abord le parti modéré, appelé dans le pays saquarema, parce qu’après la déclaration de la majorité de dom Pedro II, plusieurs de ses membres influens avaient des réunions fréquentes chez un ministre qui habitait un petit bourg de ce nom ; dans cette nuance se groupent des hommes d’une intelligence supérieure tels que MM. Carneiro Leaô, Paulino, Rodrigues Torres, etc. Vient ensuite le parti libéral, dit Santa-Luzia, qui tire son nom d’une localité où furent vaincus en 1842 les révoltés de la province de Minas ; les vues progressives de ses adeptes effarouchent les partisans du statu quo, et on traite au Brésil de révolutionnaires et d’utopistes des hommes qui ne méritent pas toujours une qualification aussi sévère. Nous citerons parmi les libéraux M. Paula Souza et M. Hollanda Cavalcanti, qui unissent des vues larges et une vive intelligence à un caractère chevaleresque ; M. Limpo de Abreu, chez qui l’on s’accorde à reconnaître une rare finesse et de profondes connaissances politiques, et, enfin, M. Alvar Branco, M.. Aureliano, etc. Ces deux partis, quoique profondément divisés de principes et de vues, acceptent néanmoins également pour le Brésil, la monarchie constitutionnelle avec l’empereur, dom Pedro II. En dehors de ces deux grandes fractions de la société brésilienne, quelques esprits inquiets rêvent pour leur patrie, mais confusément encore, à l’écart et dans le silence, une république fédérative, calquée sur celle des États-Unis. L’opinion répond fort mal à leur appel, et la population est complètement dévouée au gouvernement représentatif tel qu’il existe. Si parfois quelque province se soulève, ce n’est jamais, c’est bien rarement du moins, dans la pensée de porter